Charge mentale et pérennité des couples
Le syndrome « La charge mentale » semble avoir été défini au Canada comme "ce travail de gestion, d'organisation et de planification qui est à la fois intangible, incontournable et constant..." (Nicole Brais, Université Laval de Québec) qui du champ de l’entreprise a été subtilement étendu à la famille par la dessinatrice Emma.
"Avec la charge mentale, j'ai touché un point sensible" s’étonne-t-elle.
Syndrome des femmes épuisées "d'avoir à penser à tout", reprend Émilie Tôn, dans l’Express en ligne du dix mai.
Le nombre de lectures a été suffisamment important (200 000 !) pour que Géraldine Dormoy mette son talent au service de cette cause.
Et que je lui réponde :
Charge mentale. J’aime bien cette formulation d’un concept caché, qui me plait donc à développer.
D’abord, le témoignage d’un souvenir qui doit être commun à tous les vieux couples. Avec le temps, la charge mentale s’estompe et l’équipe se répartit les tâches presque naturellement. Qui sort les poubelles, qui prépare les repas, qui s’occupe de l’entretien de la voiture, etc., avec une responsabilité totale de chacun pour chacune des tâches.
Et si les couples ne devenaient vieux que si cette harmonie, des tâches ménagères et parentales, se créait progressivement ? Autrement dit : la cause des séparations aurait-elle davantage ses sources dans ces charges mentales que dans les désharmonies intellectuelles et/ou sexuelles ? Si les articles sur la « charge mentale » ont eu autant d’écho, c’est que la réponse est dans la question ! Des compensations intellectuelles et/ou sexuelles peuvent se trouver en dehors du couple, sortir la poubelle, non !
Trivial, mais tellement vrai.
Certains voient une hiérarchie des tâches : s’occuper des poubelles, serait moins noble (même avec le tri sélectif) que de remplir la feuille d’impôts. Cette hiérarchie est un pur héritage patriarcal, je ne le développe pas ici. La réalité quotidienne est simplement une somme de tâches qu’il faut se répartir dans le couple, ou la famille car les enfants peuvent/doivent avoir leur part.
S’il existe une hiérarchie, c’est bien celle qui est fonction de la charge mentale. Entre celle qui doit penser à tout et les autres.
Une anecdote, ancienne : quand le lave-vaisselle est apparu, il se vendit mal. Les fabricants en cherchèrent la raison. La résistance à l’achat venait des hommes. Faire la vaisselle, à la main, leur permettait de prendre leur part aux travaux ménagers, et ceci avec un minimum de charge mentale. L’objectif est simple et bien normé : à la fin, la vaisselle doit être simplement propre, rangée et la cuisine nettoyée.
Même une fois les tâches « naturellement » réparties dans le couple/famille, certaines nécessitent une charge mentale plus élevée, celles qui échappent à la répétitivité normée, et en premier : les repas. Et plus que la préparation c’est la programmation qui est une charge mentale, celle-ci commence par « les courses ». Toutes les répartitions sont possibles entre les deux extrêmes :
- celui qui achète cuisine.
Soit avec une alternance convenable entre les deux conjoints,
soit, par un accord mutuel, ou une préférence naturelle, c’est toujours le même qui est responsable des repas, souvent les femmes, mais j’ai repéré de nombreux maris, et même des fils, qui font la cuisine, même celle de « tous les jours », sans doute davantage parmi les vieux couples. Le corollaire est simple : le repas est bon, toujours bon ! Celui qui critique encoure le risque de se retrouver responsable des repas suivants ! Le risque s’amenuise au fur et à mesure que le couple vieillit. Cette dorade dont il/elle apprécie modérément la chair, ne va-t-il/elle va la mettre au four avec bien plus d’attention que si elle était pour lui/elle ?
- Un achète et l’autre cuisine. Et là, celui qui fait les courses de doit pas être soumis au carcan d’une liste de courses trop précise, fusse-t-elle électronique. Il faut laisser une zone grise, le droit à l’appréciation et même à l’erreur. Certes, il n’a pas acheté la bonne marque de purée instantanée, mais est-ce si important ?
Et si les zones grises permettaient aux couples de devenir vieux ?
Sachant que si les repas constituent la charge mentale récurrente maximum, ils sont, et c’est fondamental, également porteurs de convivialité. On cuisine pour partager.
Partager les mêmes aliments est le principe élémentaire de la famille. Et pas seulement d’être ensemble autour du même repas, mais en mangeant les mêmes aliments, les membres de la famille acquièrent la même odeur, celle rassurante de l’unité familiale ! Mais c’est une autre histoire.
Jean-Pierre FORESTIER
Biophysicien, Ingénieur de la Beauté, apprenti bio-philosophe