Compléments scientifiques sur la Metformine
Certes, la metformine réduit significativement le poids chez les personnes en surpoids ou obèses…
… mais les réactions individuelles sont très variables
Le traitement par la metformine doit être individualisé et, évidemment, sous strict contrôle médical.
La Metformine est un (vieux) médicament utilisé avec succès dans le traitement du diabète sucré (type 2),
Ces effets positifs pourraient être bien plus vastes, comme la perte de surpoids, ... et inclure des maladies cardiovasculaires, neurodégénératives, certains cancers. Des études (TAME) conduites par la Clinique Mayo (Rochester, Minnesota, USA), sont en cours
Après avoir fait un inventaire de tous les travaux relatifs à l’effet de la metformine dans différents processus métaboliques,
comme l’inhibition de la chaîne respiratoire des mitochondries,
Benoit Viollet et al., replacent la prépondérance de ces effets dans l’intestin en observant que la Metformine s’accumule 30 à 300 fois plus dans les intestins que dans le plasma sanguin.
De son côté, Juan Escobar et ses collègues de l’université de Medellin (Colombie), nous rappelle que « l'intestin est le principal réservoir de la metformine …. [puisque] contrairement à l'administration orale, l'administration intraveineuse de metformine n'améliore pas la glycémie. ».
… confirmant que pour la Metformine, tout se passe dans les intestins, ou presque.
La réponse à ma question : « Et si tous ces effets bénéfiques de la Metformine n’étaient pas, tout simplement, le résultat d’effets sur le microbiote intestinal ? » ... est donc : OUI? ou presque.

Cette hypothèse irait dans le sens des articles du numéro spécial de Pour la science : Intestin. L’organe qui révolutionne la médecine. Notamment :
- La clé de voûte du métabolisme de Rémy Burcelin de l’Université Paul-Sabatier à Toulouse
- Un acteur inattendu de l'immunité de Thomas Pradeu de l’Université de Bordeaux
- Le paradoxe du microbiote de Gérard Eberl, de l’Institut Pasteur de Paris
La plupart des propriétés bénéfiques attribuées à la metformine pourraient avoir comme origine son effet inflammatoire
La metformine génère un processus antiinflammatoire (développé dans un article complet sur ce sujet)
Le mécanisme d’action serait le suivant : la metformine favoriserait la production par le microbiote intestinal d’acides gras à très courtes chaînes . En diffusant dans l’abdomen, ceux-ci aurait un effet anti-inflammatoire par exemple sur le poumon ? sur le système cardiovasculaire ?
Les « fibres solubles » de l’alimentation sont les nutriments nécessaires au microbiote pour lui permettre de fournir ces Acides gras à très courtes chaînes
Une association avec le Zinc serait largement synergique.
Les premiers travaux sur l’effet de la metformine sur la perte de poids semblent dater de 1998.
Amy Lee et John Morley de l’université de Saint Louis (Missouri, USA), utilisèrent la metformine (deux doses journalières de 850 ou 1 700 mg [ ! ]) chez des femmes d’environ 60 ans dont la BMI étaient environ 40 (obésité sévère). Leur conclusion était la suivante
« Ces résultats indiquent que la metformine diminue l'apport calorique de manière dose-dépendante et conduit à une réduction du poids corporel chez les patients atteints d'obésité …. »
Également en 1998, de leur côté, G Paolisso et ses collègues de l’université de Naples (Italie) nous donne, indirectement, davantage d’informations sur la … diversité des réponses.
Quinze volontaires obèses ont été traités pendant quinze jours par la metformine, quinze autres servaient de témoin.
La perte de poids des obèses sous metformine est en moyenne 2,8 kg (et pratiquement nulle pour le groupe témoin). Ce qui paraît fort modeste au regard des cent kg d’un obèse mesurant 1,70 m !
La prise de nourriture, baisse d’environ 150 kilocalories. (à titre de comparaison le nombre normal moyen du besoin en kilocalories tourne autour de 2 000 kilocalories )
Mais 150 n’est qu’une moyenne, il est remarquable que cette prise de nourriture baisse dans une marge variant de près de 300 kilocalories à pratiquement aucune baisse. Pour le groupe témoin, la variation est encore plus spectaculaire puisque l’écart va d’une diminution de 300 kilocalories à une … augmentation de la même valeur.
Par la suite, l’effet de la metformine sur la perte de poids et d’appétit a été repris par plusieurs équipes,
En 2013, afin de « tester l'efficacité de la Metformine pour réduire le poids chez les patients obèses non diabétiques en consultation externe. »,
... C. Seifarth et son équipe de l’Université de Ludwig-Maximilian-University (Munich, Allemagne)
… donnèrent un traitement à la Metformine aux patients dont
l'indice de masse (IMC) corporelle était ≥ 27 kg / m2.
…c'est-à-dire en surpoids, ou obèses.
La posologie utilisée par les auteurs est de 500 mg par jour la première semaine, puis entre 1 500 et 2 500 mg/jour selon leur surpoids, pendant 6 mois.

"Nous avons observé une perte de poids de 10% ou plus chez 16,2% et une perte de poids d'au moins 5% chez 47,4% des 154 patients traités par Metformine.
Dans le groupe traité par la metformine, la perte de poids moyenne globale pendant 6 mois de traitement était de 5,8 ± 7,0 kg.
5,8 ± 7,0 kg montre déjà que la perte de poids varie, statistiquement, entre 12,8 à une … augmentation de poids de 1,2 kg.
Ce ne sont que des valeurs statistiques, en considérant le cas de chaque personne traitée, la fourchette varie de la perte de 35 kg chez un patient à la prise de poids de 13 kg chez un autre patient.
32 patients sur les 154 traités (20,8%) n'ont pas perdu de poids,
9 d'entre eux ont même pris du poids sous metformine.
La perte de poids dans le groupe traité par metformine était significative par rapport au groupe témoin (p <0,0001). [soit une excellente significativité, même avec des écarts importants, voir ci-dessous]
"Dans le groupe témoin, un gain de poids moyen de 0,8 ± 3,5 kg a été observé."
[croyant bénéficier d’un traitement leur permettant de maigrir, les personnes du groupe témoin se sont-ils « laisser aller » à manger davantage ?]
"Nous avons également observé que l'efficacité de la metformine en tant qu'agent réduisant le poids était indépendante de l'âge ou du sexe." Ce qui confirme les observations précédentes
Cette grande variabilité sur le poids des obèses à la suite du traitement par la metformine confirme, s’il le fallait davantage,
1° la diversité d’Homo sapiens (infiniment plus grande que celle des souris de laboratoire, sélectionnées justement pour leur uniformité).
2° que tout traitement par la Metformine doit être personnalisé
3° qu’une prescription de Metformine destinée à une perte de poids doit faire partie d’un ensemble cohérent : régime alimentaire + exercices physiques, en plein air + Metformine (+ fibres solubles + zinc)

Dans une compilation des travaux précédents (review) Sangeeta Kashyap et ses collègues du Département d’Endocrinologie, de la Cleveland Clinic (Ohio USA) considère que la diminution de la prise de nourriture « par la Metformine est le principal mécanisme de perte de poids. »
… parmi toutes les causes indirectes qui affectent la prise alimentaire, les auteurs citent les « changements de rythme circadien causés par la Metformine »
En agissant sur le rythme circadien, la metformine permet-elle de manger à heure fixe ...
... au lieu de grignoter toute la journée ?
Cet effet de la metformine sur le cycle circadien pourrait être rapproché du travail de Monika Fleshner (repris dans Cerveau et Psycho de mai 2020) montrant que des prébiotiques améliorent le sommeil.
Les prébiotiques utilisés, par les auteurs (chez le rat), sont la lactoferrine, des protéines du petit lait et des galactooligosaccharides (qui se rencontrent dans les racines de légumineuses comme le pois chiche, la lentille, voir Galacto-oligosaccharides and bowel function)
Là encore, la diversité doit être prise en compte : chacun pourrait répondre différemment à ces prébiotiques, en fonction de la composition de son propre microbiote
Celui-ci pourrait-il être amélioré par la metformine?
Dans une revue, en français, Walter Burniat, de l’Université Libre de Bruxelles, rapporte les informations suivantes sur l’effet de la Metformine en pédiatrie
Le méthylebiguanide [la Metformine] est l’hypoglycémiant oral utilisé le plus fréquemment en pédiatrie pour le traitement du diabète type 2.
Est-il par ailleurs un médicament «amaigrissant»?
Kay et al ont étudié 24 adolescents obèses (IMC > 30kg/m2), .... 12 patients ont reçu 2x 850mg de Metformine pendant huit semaines, les 12 contrôles ont reçu un placebo. Une alimentation limitée à 1.500kcal (pour les filles) et 1.800kcal (pour les garçons) était prescrite dans les deux groupes.
À l’issue de l’étude, les patients du groupe Metformine avaient perdu significativement plus de poids que les autres
(- 6,1 ± 0,8kg contre -3,2 ± 2,0kg pour ceux sans Metformine),
...
Georgina Casey, en juin 2019 a publié une revue des nouvelles utilisations potentielles de la Metformine
Des travaux récentes ont révélé que la Metformine agit en modifiant la flore intestinale et la manière dont le glucose est absorbé.
La Metformine aide à réduire le poids chez les personnes atteintes de pré-diabète …
…à réduire potentiellement l'incidence de l'hypertrophie ventriculaire gauche et de l'insuffisance cardiaque;
[notamment par une augmentation de la production d’acides gras à très courtes chaînes par le microbiote intestinal sous l’effet de la Metformine,]
… réduire l'incidence et la récurrence du cancer et des décès par cancer; et améliorer les réponses aux radiothérapies et aux chimiothérapies.

La Metformine est également à l'étude pour son rôle dans la modulation des maladies auto-immunes, … telles que la sclérose en plaques, le lupus érythémateux systémique
ou les maladies inflammatoires de l'intestin.… [revoir l’incidence de l’inflammation de l’intestin dans le § La cellulite serait-elle une obésité localisée ?]
Ses effets anti-inflammatoires peuvent également être responsables de la prévention du déclin cognitif et le retardement du vieillissement. [Voir TAME : l’étude menée à l’initiative de la clinique Mayo]
La Metformine est même à l'étude pour la prise en charge de la tuberculose.
La Metformine est également de plus en plus utilisée pour améliorer la fertilité chez les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques,
régulariser la menstruation
[voir aussi Le Viagra pourrait soulager les règles douloureuses,]
... et réduire l'incidence des césariennes et des naissances prématurées.
Il a également été démontré qu’il augmentait la fertilité chez les hommes atteints de diabète de type 2.

Nombre de ces nouvelles utilisations potentielles de la Metformine sont suggérées par des études épidémiologiques et par des observations. Des essais cliniques sont nécessaires avant que le médicament puisse être licencié [Autorisation de mise sur le marché] pour une utilisation afin de gérer des affections autres que le traitement du diabète de type 2.
[Nous retombons sur le principal problème d’un repositionnement de la Metformine : son très faible coût (environ vingt centimes d'Euro par jour !). ]
La conclusion d’André Scheen de l’université de Liège (Belgique) [dans l’utilisation de la metformine dans la phase inflammatoire des Covid-19 reste aussi réaliste que navrante : « La metformine est un générique et n’est pas coûteuse, aucune compagnie pharmaceutique ne sera intéressée par la mise en place d’une étude pour montrer l’efficacité de la metformine sur les complications de la Covid-19 ».
La clinique Mayo a néanmoins lancé une étude plus générale sur les « bienfaits » de la metformine sur le vieillissement), ci-dessous

Sous la pression, notamment de la célèbre Clinique Mayo (Rochester, Minnesota, USA), la Food and Drug Administration vient récemment d’approuver une étude Targeting Aging with Metformin ...
(TAME = Cibler le vieillissement avec la Metformine)
(Tame est également le diminutif d’un très romantique prénom anglo-saxon Tamelin)
... qui porte sur 3 000 personnes âgées ; l’objectif de cette étude est de connaître l’effet de la Metformine sur les risques de cancer, de maladies cardiovasculaires et les problèmes cognitifs.
Nir Barzilai, du Collège de médecine Albert Einstein (New York, USA)
… rend compte de l’avancement des travaux en 2017
La Metformine est un médicament qui cible la biologie du vieillissement et prolonge la durée de vie et la santé des animaux. Il est utilisé pour traiter et retarder le diabète sucré de type 2, avec un bilan de sécurité exceptionnel de plus de 60 ans.
L'utilisation de la Metformine est également associée à des taux plus faibles de cancer, de maladie cardio-vasculaires, de mortalité toutes causes confondues et peut-être moins de déclin cognitif.
Nous avons conçu TAME (Targeting Aging with Metformin), une étude multicentrique contrôlée par placebo portant sur 3 000 personnes âgées de 65 à 79 ans, avec un nouveau objectif principal consistant à retarder l’incidence d’un composite de plusieurs maladies liées à l’âge.
... L'étude a été développée en consultation avec la FDA pour obtenir une nouvelle indication de la FDA visant à cibler le vieillissement. Cette indication permettrait à l’industrie de justifier le développement de médicaments de la prochaine génération pour cibler le vieillissement et prolongera encore la durée de vie en bonne santé au cours de la prochaine décennie, en utilisant le modèle expérimental fourni par TAME.
… suite à un article du même auteur paru en 2016 sous le titre Metformin as a Tool to Target Aging
Considérant la grande variabilité observée pour les pertes de poids, il est hélas probable que les effets de la metformine sur ces Risques soient également très variables.
Une corrélation avec le microbiote de chacune des personnes serait-elle une voie de recherche ?
Voir aussi
L’étude TAME = Cibler le vieillissement avec la Metformine ; pourrait être enrichie de deux études récentes (axées sur le Covid-19)
La fréquence des « cancers, des maladies cardio-vasculaires, des mortalités toutes causes confondues et le déclin cognitif » semblent diminuer par la prescription de metformine.
Les décroissances des fréquences des maladies cardiovasculaires et surtout de la « démence » pourraient relancer les recherches sur le rôle du microbiote intestinal, notamment sur la maladie d’Alzheimer
Voir aussi
Très complète, cette étude statistique donne de nombreuses informations sur les effets de la metformine.
- la metformine rendrait-elle moins prédisposées au Covid ?
- la metformine diminuerait-elle le taux de mortalité liée au Covid-19 ?
- toute cause de mort confondue, la metformine diminuerait-elle le taux de mortalité ?
De l’ensemble des observations, il apparaît que la metformine est un médicament « sûr »
Cette étude confirme des résultats antérieurs plus fragmentaires.
Voir aussi : Amertumes. Metformine ? Covid-19 ?