15. Latence et plasticité dans Notre Mémoire
Un retard, un temps de latence, entre le signal d’entrée (pré-synaptique) et le signal de sortie (post-synaptique) a été observé.
Cette latence est attribuée à la plasticité de la synapse, elle pourrait bien être conférée par la plasticité des protéines de mémoire mises en contact avec la synapse par le pied astrocytaire
Sans en décrire la cause, Hebb avait postulé que la trace mnésique était renforcée par la répétition de stimulations.
Ce « renforcement des synapses » serait l’aboutissement d'un empilement des retards en sortie, provoqué par une succession suffisamment rapide de signaux.
Maintenant que nous avons un panorama des matériaux ferroélectriques, même s’il est incomplet, il est temps d’imaginer une mémoire biophysique bio-inspirée des synapses tripartites.
Mais avant, il m’a semblé nécessaire s’écarter un peu vers les frontières entre les neurosciences et l’informatique et d’abord étudier le …
C'est-à-dire l’écart de temps (ΔT), dépendant de la plasticité de la synapse, qui est mesuré entre le pic du signal présynaptique (entrée) et celui du signal postsynaptique (sortie)
Avant de revenir sur l’apparition de « dépendant de la plasticité de la synapse » regardons cet écart temporel, cette latence, entre la « pointe » (ou pic) de potentiel d’action du neurone situé avant la synapse et la « pointe » (ou pic) de potentiel d’action du neurone situé après la synapse.
Figure empruntée à Bernabé Linares-Barranco de Institut de Microélectronique de Seville (Espagne) et ses collègues californiens, ...
... parue dans un article de Frontiers in Neuroscience dont le titre est déjà tout un programme de conquête
...
(surtout si on considère le sens de « Frontier » donnés par les Étatsuniens dans la mythologie de la conquête de l’Ouest, c'est-à-dire la limite entre les territoires peu peuplés (qui pratiquent l’élevage) et ceux dont la densité de population était suffisante pour créer un « état », de fermiers. mais c'est une autre histoire ....
Dans Biological Cybemetics, selon une approche théorique, Wulfram Gerstner et ses collègues du département de physique de l’université de Munich (Allemagne), … relient le « modèle des pointes » à la ...
... un demi siècle plus tard, le neuropsychologue canadien, Donald Hebb propose le raisonnement suivant :
(ce qui montre qu’une spéculation peut être un raisonnement et faire avancer la connaissance !)
la répétition de la stimulation d’un neurone post synaptique par un neurone pré synaptique permet une augmentation durable de la stabilité et de l’efficacité synaptique.
En d’autres termes, en laissant Hebb commencer son raisonnement par la fin, c'est-à-dire l’existence d’une stabilité (stabilité toute relative nous le verrons plus tard dans l’article 18 de Notre Mémoire, au chapitre Apprentissage) :
"Supposons que la persistance ou la répétition d'une activité laissant une "trace" mnésique (engramme) tendent à induire des modifications cellulaires durables qui renforcent sa stabilité des synapses. ...
Figure également empruntée à Bernabé Linares-Barranco
... Lorsqu'un axone de la cellule A est suffisamment proche pour exciter une cellule B et participe de manière répétée ou persistante à son déclenchement, un processus de croissance ou un changement métabolique a lieu dans une ou les deux cellules, de telle sorte que l'efficacité de A aussi bien que celle de B soit augmentée"
Reprenons la théorie d’Hebb, mais en tenant compte du système synaptique tripartite formé de l’astrocyte, du neurone pré-synaptique et du neurone post-synaptique
Lorsqu'un axone de la cellule A est suffisamment proche pour exciter une cellule B et participe de manière répétée ou persistante à son déclenchement,
… un astrocyte envoie une dendrite dont l’extrémité forme un pied qui entre en contact avec la synapse, permettant un …
processus de croissance ou un changement métabolique a lieu dans une ou les deux cellules,
… au niveau de la synapse.
de telle sorte que l'efficacité de A aussi bien que celle de B soit augmentée,
… grâce à l’astrocyte qui apporte :
- des métabolites, etc.
- les protéines de mémoire (voir 02. Notre mémoire protéique)
« Suffisamment proche » correspond bien au contact entre les deux neurones A et B via une synapse et également le contact entre le pied de l’astrocyte avec la synapse.
Hebb conçoit très bien qu’une simple proximité puisse modifier les deux, ou les trois cellules. C’est ce qui se passe quand le champ électrique des protéines de mémoire modifie le signal neuronal
« Suffisamment proche » fait penser aux « cartes sans contact » qui reposent sur la technologie de la « communication en champ proche » (CCP = Near Field Communication, NFC)
Même si la plasticité synaptique paraît implicite dans la théorie de Hebb, il me semble que le premier à avoir associé la plasticité au temps de latence (ΔT) entre la transmission du signal du neurone présynaptique et le neurone post synaptique,
soit L. F. Abbott du Centre des systèmes complexe de la Brandeis University (Massachusetts) et ses collègues, dans un article de septembre 2000, et repris dans de nombreux articles postérieurs.
S’appuyant sur des observations in vivo,
... par exemple sur le travail de Guo-qiang Bi et de Mu-ming Poo, de l’Université de Californie (USA) qui en utilisant des cultures de neurones de l'hippocampe de rat, ont montré les relations entre la « force synaptique » (synaptic strength) et la chronologie entre les pointes présynaptiques et postsynaptiques.
… Abbott et al. par une approche aussi théorique que celle de Hebb, modélisent un système dans lequel des modifications « synaptiques » peuvent « automatiquement » rendre le « signal post-synaptique » sensible à l’écart entre chaque pics.
Comme in vivo, la synchronisation des signaux pos-synaptiques est contrôlée selon un système semblable de « modification des synapses ».
De « modification des synapses », Abbott passe à la plasticité synaptique et appelle Spike-time-dependent-plasticity (STDP) l’écart entre les pics des potentiels d'action pré et post-synaptique, dépendant de la plasticité de la synapse
Même si peut être également dénommée latence, le Spike-time-dependent-plasticity (STDP) ne doit pas être confondu avec temps de latence observé dans la mesure du potentiel d’action d’un neurone, comme celui de calmar.
Ils n’ont pas la même origine,
- celui « du calmar » est un biais expérimental créée par le distance entre l'électrode de stimulation et l'électrode réceptrice ; et qui permet, par ailleurs, de calculer la vitesse de propagation d'un potentiel d’action dans le neurone.
Abbott et al. attribuent ces latences (ΔT) à des modifications synaptiques, elles-mêmes attribuées à la plasticité des synapses.
Ne serait-ce pas les protéines de mémoire qui sont "suffisamment proches" de la synapse qui provoqueraient ces latences ?
Ne serait-ce pas le champ ferroélectrique des protéines de mémoire qui modifierait, retarderait, le signal post-synaptique ?
Ici, les deux définitions de la plasticité se rejoindraient (voir Plasticité et Plasticité)
Quand le neurone pré-synaptique envoie plusieurs signaux (potentiels d’action) à la suite les uns des autres, jusqu’à même être "en rafale", dans un réseau, le chevauchement des retards peut induire, en sortie, des signaux post-synaptiques très complexes.
Les signaux d’entrées qui déclenchent une latence (ΔT) courte dans le neurone postsynaptique agissent avec le plus de succès pour « développer de fortes synapses »
Tandis que pour « les latences plus longues » il n’y a pas, ou peu, de chevauchements, la modification du signal est peu marquée donc « moins efficace », pour reprendre les termes d’Abbott, c'est-à-dire que le signal de sortie (post-synaptique) est moins complexe
De très exotiques nanotubes peptidiques seraient-ils une nouvelle étape vers une ...
...mémoire bio inspirée ?
De nombreux travaux portent sur la création de circuits électroniques bio-inspirés à partir d’une synapse.
Le plus simple est le Memristor, le plus élaboré pourrait bien être la « synapse électronique » contenant un matériau ferroélectrique entre ses armatures.