L’œil gourmand
Grossir rien qu'en regardant ?
Notre œil, comme celui du tétra, sécrète-t-il des neuropeptides stimulant notre appétit, notre prise de nourriture et, par conséquent, notre prise de poids ?
La rétine de l’œil est tapissée de photorécepteurs, les plus connus, les cônes et les bâtonnets, permettent la vision et au cerveau d’apprécier le monde extérieur visible, et ses dangers.
Schématiquement, les cônes donnent la couleur et la vision « nette », les bâtonnets permettent de déceler le moindre mouvement, même du « coin de l’œil »
Régulièrement, d’autres photorécepteurs de l’œil sont découverts.
En 2018, trois chercheurs, Michael Rosbash, Jeffrey Hall et Michael Young ont été honorés par le prix Nobel de médecine pour leurs travaux sur la chronobiologie. Or la remise à l’heure de l’horloge interne dépend de photorécepteurs rétiniens.
D’autres récepteurs de l’œil servent à s’orienter dans l’espace. Ils seraient sensibles à d’autres ondes électromagnétiques que la lumière. Le rouge gorge migrateur Erithacus rubecula, pourrait même utiliser un mécanisme quantique pour « voir » l’inclinaison du champ magnétique terrestre, (voir Île.89 : Quantique ?)
Des travaux sur un poisson aveugle pourraient ajouter une autre fonction de l’œil, insoupçonnée.
Le tétra est un petit poisson d’eau douce bien connu des aquariophiles.
Quelques tétras, il y a 30 000 ans, se sont retrouvés dans l’eau de cavernes mexicaines où régnait une totale obscurité.
Devenue sans utilité, non seulement sa vue disparut, mais l’œil disparut également (tétra de droite sur la photo)
Mais toutes les fonctions rétiniennes ont-elles été supprimées ?
L’équipe de Sylvie Rétaux, à l’institut des neurosciences Paris-Saclay, à Gif-sur-Yvette, a montré qu’au moins certaines persistent. (voir l’article d’Hervé Le Guyader dans Pour la Science de juillet 2018 ou celui-ci, éminent biologiste de l’évolution, nous rappelle opportunément que L’œil et le cerveau ne se développent pas indépendamment l’un de l’autre.)
Au cours de l’embryogenèse du tétra cavernicole des cellules rétiniennes photosensibles ne deviennent des neurones sécréteurs de l’hypothalamus.
Ces cellules trans-localisées au niveau de l’hypothalamus secrètent des neuropeptides :
- l’hypocrétine, qui stimule l’appétit et l’état d’éveil
- le neuropeptide Y, qui stimule la prise de nourriture et, par conséquent, favorise l’adiposité, surcroît de graisse qui est effectivement plus importante chez le tétra cavernicole que chez ses cousins de surface.
Que d’anciennes glandes photosensibles stimulent l’état d’éveil n’est pas vraiment surprenant, elles restent des régulatrices de la chronobiologie,
par contre, la stimulation de l’appétit et de la prise de nourriture l’est davantage !
Si ces fonctions des cellules rétiniennes ont été observées après être devenues des neurones sécréteurs de l’hypothalamus, il est plus que probable qu’elles existaient avant la relocalisation.
Donc, ma conclusion est qu'il existerait dans la rétine de tous ces poissons des glandes photosensibles pour stimuler l’appétit et la prise de nourriture et, par conséquent, favoriser l’adiposité.
Qu’en est-il chez Homo sapiens ?
Avons-nous dans l’œil les mêmes glandes photosensibles que le tétra ?
Nous savions déjà que la vue d'un éclair au chocolat provoque une libération d’un autre neurotransmetteur, la dopamine, l’hormone du plaisir.
Avec une sécrétion d’hypocrétine et de neuropeptide Y directement par l’œil, la prise de poids sera réelle la prochaine fois que nous allons absorber de la nourriture, même si cette nourriture n'est pas un éclair au chocolat.
Et si le régime, pardon : le « rééquilibrage alimentaire » commençait par ne montrer sur la table que les aliments de ce rééquilibrage et laisser les gâteaux dans
leur boîte, bien à l’abri des regards ?