Memcomputing
L’article de Laurent Sacco dans le numéro de Futura du 3 décembre 2013 Des mémoires ferroélectriques chaotiques, un modèle pour le cerveau ? ... amorce (ou aurait dû amorcer) un très intéressant pont de réflexion entre la ferroélectricité et la mémoire, à la fois naturelle et artificielle.
Je cite ce journaliste :
Polarisation chaotique des domaines
De la même manière que les matériaux ferromagnétiques peuvent porter des bits d'information sous forme d'aimantation de domaines microscopiques, les matériaux ferroélectriques sont des outils potentiels pour fabriquer des supports de mémoire. Au lieu d'utiliser un champ magnétique, on utilise un champ électrique pour polariser dans une orientation donnée des domaines des matériaux ferroélectriques. C'est ce qu'essayaient de faire les physiciens de l'Oak Ridge National Laboratory (ORNL) avec une technique de microscopie à sonde locale quand ils ont eu une surprise.
Lorsqu'ils ont commencé à réduire la taille des domaines, le contrôle de leur polarisation a commencé à leur échapper en formant spontanément plusieurs domaines dans des régions adjacentes à celles où les physiciens tentaient d'écrire l'équivalent d'un « 0 » ou d'un « 1 ».
Si l'on se représente ces domaines sous forme de cases noires ou blanches correspondant aux bits d’information, tout se passait parfois comme si la formation d'une seule de ces cases entraînait l'apparition imprévisible d'une portion de damier autour d'elle.
... comme l'a imaginée un artiste sur la figure ci-dessus, sauf que les 1 apparaissent "dilués" comme des 0, alors qu'ils devraient devenir des valeurs approximatives de 1.
Les chercheurs ont commencé à y voir plus clair quand ils ont découvert que des régularités émergeaient tout de même du comportement des domaines ferroélectriques en faisant intervenir la théorie du chaos, mais dans l'espace, et non plus dans le temps.
Des circuits pour le « memcomputing »
Cette découverte pourrait apparaître comme une simple curiosité de laboratoire, mais les physiciens ... y voient tout autre chose : la possibilité de faire avec des matériaux ferroélectriques ce qu'ils appellent du « memcomputing ». L'idée est d'utiliser des composants électroniques qui seraient capables de servir aussi bien de mémoire que de circuits pour des opérations de calcul logique.
Ce qui est fascinant, selon les chercheurs, c'est que les neurones du cerveau humain semblent faire du memcomputing.
Fascinant, en effet ! Si les physiciens de l'Oak Ridge National Laboratory étaient un peu biophysiciens ils auraient su que les protéines sont ferroélectriques et que chaque tore mnésique accordé (au champ électrique de l’impulsion neuronale) est accompagné de nombreux autres tores moins bien accordés. Ces tores « secondaires » pourraient bien être l’équivalent de l’épiphanie de ce damier.
Ces cellules, avec leurs connexions synaptiques, servent aussi bien à traiter de l'information qu'à la stocker.
Saluons l’annonce de cette double fonction qu’il est rare de lire.
Et remarquons que de nombreuses protéines "baignent" aussi dans ces connexions synaptiques.
On sait d'ailleurs que l'un des objectifs du Human Brain Project est de déboucher sur une nouvelle électronique imitant les performances des neurones pour fabriquer des ordinateurs moins gourmands en énergie et plus performants pour certaines tâches. On peut penser que des liens intéressants entre chaos, cerveau et physique du solide vont émerger en étudiant de plus près les matériaux ferroélectriques.

On pouvait en effet le penser, mais depuis 2013 l’émergence est toujours attendue.
L’obstacle serait-il simplement conceptuel ?
Le damier ferroélectrique observé est flou.
Pour des physiciens aussi prestigieux que ceux de l'Oak Ridge National Laboratory, est-il si difficile d’admettre que des informations puissent être traitées par un système flou?
Les mathématiciens savent parfaitement traiter ce genre de problème de statistique. Il faudrait aussi qu'ils admettent de raisonner en fonction de l’utilité du résultat.

Le principe d’une « Digital memcomputing machine » a été repris par Fabio L. Traversa et Massimiliano Di Ventra de l’Université de Californie (San Diego) dans un article qu’ils ont complété en 2017.
Le schéma montre la rupture complète avec l’architecture informatique « classique » de von Neumann et qu'elle pourrait se rapprocher de l'Intelligence Biophysique.
J’ignore où en est la construction de cette machine.
En ignorant cette machine, tous la « grands » de l’Intelligence Artificielle nous laissent penser que leur réel objectif est ailleurs, voilé, voire camouflé.