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Publié par Jean-Pierre FORESTIER

Cet article est le 18ème d’une série qui revisite Notre mémoire.

Pour aller à la page d’accueil cliquer sur 

L’essentiel

L’apprentissage peut être considéré comme une phase de modification de la mémoire.

Le signal neuronal modifie le champ électrique des protéines de mémoire, ou du matériau ferroélectrique situé entre les armatures…

… et réciproquement

… et ces modification se renouvellent à chaque nouveau signal.

À ces modifications réciproques peut s’ajouter des « interventions » de l’astrocyte

… et les modifications aléatoires propres à tout matériau plastique.

Comme celui des philosophes, l’apprentissage mnésique est sans fin.

Prédire l’état d’un apprentissage à un temps donné et dans une synapse donnée est impossible.   

Une certaine stabilisation correspond à une mémoire à long terme, mais en général les signaux de sortie ne sont ni prédictibles ni reproductibles.

Les résultats expérimentaux donnés par les synapses d’hippocampe sont flous, comme sont flous les résultats expérimentaux donnés par la « synapse électronique »

Pour progresser dans la connaissance des phénomènes cognitifs, acceptons le flou et au lieu de chercher une reproductibilité illusoire...

... utilisons les mathématiques de la Logique floue pour Notre Mémoire

La Théorie de Hebb (voir article 15.) selon laquelle une activité laisse une "trace" mnésique (engramme) par une répétition peut être considérée comme un apprentissage.

D’ailleurs, le titre de la publication de Vincent Garcia et al. est clair :

Learning through ferroelectric domain dynamics in solid-state synapses 

Apprentissage dynamique de domaines ferroélectriques dans des synapses à l'état solide

… et dès l’introduction, la prestigieuse équipe qui propose une synapse électronique, fait référence à Hebb.

Appliquée à une synapse biophysique, la Théorie de Hebb devient :

… la répétition d’un signal présynaptique laisse une "trace" mnésique (engramme), qui tend à induire des reconfigurations de la polarisation du domaine ferroélectrique situé entre les armatures du « pied astrocytaire biophysique » qui elle-même modifie le signal post-synaptique.

Plus précisément :

Le signal neuronal de la « synapse biophysique » (input) est modifié par la polarisation le matériau ferroélectrique du « pied astrocytaire biophysique »,

(voir Signal neuronal biophysique), et la réciproque est vraie,

… à chaque impulsion, comme pour les protéines de mémoire, la polarisation du domaine ferroélectrique situé entre les armatures sera reconfigurée, en fonction des propriétés plastique de ce matériau.

En considérant les boucles de rétroaction en cybernétique (feedback) :  

- Chaque « effet » génère une « rétroaction » qui modifie le « système ».

- Ce système modifié envoie une nouvelle impulsion différente de la précédente, et de la suivante, etc.  

 

Dans une synapse « naturelle » comme dans une « synapse biophysique », la polarisation peut, de plus, être modifiée par une « intervention » astrocytaire (naturelle ou biophysique voir Signal astrocytaire biophysique)

Et selon une réciproque de la réciproque, l’impulsion neuronale post-synaptique suivante sera différente de la précédente.

Ces modifications multilatérales et récurrentes peuvent être considérées comme les différentes phases d’apprentissage des synapses (naturelles ou biophysiques).

Le maître éduque les disciples, qui à leur tour éduquent le maître et aussi tous leurs maîtres, qui à leur tour éduquent tous leurs disciples, …

Aucune leçon n’est identique à la précédente, (ou au moins devrait l’être) et l’était certainement dans le mythique Gymnase de Platon et d’Aristote.

Chaque leçon est différente l'une de l'autre, l’apprentissage doit tendre vers une consolidation des connaissances et de la philosophie.

Sachant que selon Socrate, le meilleur des maîtres est celui qui est dépassé par son élève, mais c’est une autre histoire, mais peut être pas !

Le point ultime est la Connaissance du Cosmos, de tout l’Univers. Si celui-ci est infini, la Connaissance ne sera jamais atteinte, et sa recherche est vaine.  

Écriture, langage et sentiments

Si dans Phèdre, Platon condamne les écrits n’est ce pas parce qu’ils figent les pensées ? Quand, à l’inverse, la philosophie orale reste ouverte à toutes les modifications, chacune étant un enrichissement potentiel de la pensée.
Seule la parole vive semée en terre féconde les âmes, l’écriture reste stérile

 

Et même, par son formatage, le langage n’exprime pas convenablement nos pensées.

Dans une émission de France Culture, Gilles Vervisch, remarquait, presque en aparté, « Mais peut-être que nos sentiments sont assez flous et le langage qui découpe de manière un peu trop strict la réalité, correspond mal à l’expression du flou artistique de nos sentiments » … ceux qui sont dans notre cerveau !

À ces flous, je vais y revenir.

Dans l’Encyclopédie, Diderot rappelait qu’une image est préférable à un long discours.

Or, l’image la plus apte à être traitée par notre cerveau, et par un ordinateur binaire, est floue, au moins l’image d’un visage

 

C’est peut être aussi ce que veut nous faire comprendre le taoïsme avec l'énigmatique « Nan deu rou dou » dont Luc Ferry donne la traduction :

« il vaut mieux ne pas être trop clairvoyant »,

qui introduit parfaitement le paragraphe suivant.

Non seulement les signaux post-synaptiques sont très complexes mais le paragraphe précédent sur l’apprentissage montre que, « par construction », ils ne sont pas reproductibles. Chaque apprentissage est différent d’un signal à l’autre.

Les protéines de mémoire sont toujours susceptibles d’être modifiées par le signal pré-synaptique suivant, ou par l’astrocyte lui-même, ou par les deux.

Le chef d'orchestre peut faire jouer des arrangements différents du même concerto

De son côté, dans la synapse biophysique, le domaine ferroélectrique peut être modifié à la fois par le « signal neuronal pré-synaptique » et par le « circuit astrocytaire ».

Alors, quand nous recueillons un signal en aval d’une synapse, comment savoir à quel moment de l’apprentissage sommes-nous ?

 

La réponse est « ça dépend ».

 

Dans un système tripartite (neurones + astrocytes)

les signaux neuronaux et l’état ferroélectrique des protéines de mémoire

peuvent se stabiliser dans la cas d’une mémoire consolidée, d’une mémoire à long terme.

Par contre, dans un système tripartite dédié à la mémoire à court terme, les signaux sont en perpétuelle modification.

 

Pour une approche un peu plus précise des différentes mémoires, voir « Mémoire. Une affaire de plasticité synaptique » de l’INSEM.

… y compris la vidéo

Que ce soit pour une mémoire à court ou à long terme, toute trace mnésique (engramme) est toujours susceptible d’être modifiée par une nouvelle information et/ou par un autre réseau
évidemment plus l’une que l’autre

 

 

La réponse est donc plus ou moins … floue

 

Revoir aussi les valeurs de courants électriques complètement aléatoires (flous) produits par pyroélectricité par le collagène (points verts) dans 03. Notre mémoire ferroélectrique.

     Une protéine moins
plastique, comme l’élastine, donne des courants pyroélectrique moins aléatoires (points rouges et roses)

Plus le matériau est plastique, plus « intrinsèquement désordonnées », ce qui est probablement le cas des protéines de mémoire, plus la probabilité de déplacements aléatoires sera grande et plus la réponse sera floue

 

Lire aussi, éventuellement, l’article sur Le chaos dans l’Intelligence Artificielle

Pour le plaisir de paraphraser Hegel quand il écrit, en substance : « qu’il est rationnel qu’il y ait de l’irrationnel »,

il est rationnel qu’il y ait du flou dans une synapse biophysique. 

 

Ces incertitudes sur la prévision du signal post-synaptique, et/ou sa complexité, peuvent être assimilées à du flou.

Reprenons les résultats publiés par Vincent Garcia et al. déjà étudiés dans : 16. Notre mémoire et une synapse électronique

 

 

 

Cette prestigieuse équipe s’attache à montrer (courbes ci-dessous) que l’apprentissage des synapses électroniques/ferroélectriques est prévisible.

Selon les auteurs, ces figures montrent un « excellent accord entre ces prévisions et les variations de conductance mesurées. ».

(Les carrés pour la courbe d’hystérésis de gauche,

en bleu, les "data", pour les courbes de droite).

 

Il est difficile de ne pas faire confiance à Vincent Garcia, et d’accepter que ces nuages de points soient la conséquence d’une légitime imprécision expérimentale.

Mais il est tout aussi difficile de ne pas regarder ces résultats sous un autre angle :

Il est difficile de ne pas voir du flou.

Pour les courbes b, c et d ; d’une valeur de latence à l’autre

(Δt en nano secondes, en abscisses),

la valeur en ordonnées varie de la moitié au double de la valeur de prédiction (courbes rouges)

 

Quand aux courbes a, celles des hystérésis, les ordonnées logarithmiques écrasent des incertitudes. 
    D’une valeur à l’autre, la Resistance (Ω) peut presque doubler, notamment sur les parties supérieures des courbes jaunes et bistres..

  

 

 

Et si ce flou était « naturellement » consécutif à l’incertitude sur l’état de l’apprentissage ?

 

 

Les variations entre chaque point expérimental pourraient être la traduction de cette incertitude, de ce flou.  

(voir § Apprentissage

... à laquelle s’ajouterait l’incertitude apportée par la plasticité en terme probabiliste.

Il est intéressant de rapprocher les résultats obtenus avec la synapse électronique avec celles obtenues avec des cultures de neurones de l'hippocampe de rat ...

L’hippocampe est impliqué dans la mémoire spatiale, y compris celle qui se situe dans le cerveau

(voir « Mémoire. Une affaire de plasticité synaptique » déjà cité).

Il joue un rôle central dans la consolidation de la mémoire.

Pour exercer tous ces rôles, l’hippocampe pourrait bien disposer des synapses les plus plastiques du cerveau.

 

 

Ces courbes représentent la potentialisation synaptique induite par une stimulation présynaptique répétitive

 

En ordonnées, EPSP, Excitatory Postsynaptic Potential est le Potentiel postsynaptique excitateur, qui mérite quelques …

… et à la figure représentant l’amplitude (en nano ampères) de l’Excitatory Postsynaptic Potential de neurones de l’hippocampe de rat en culture, dans différentes conditions expérimentales.

 

Ce qui est important d’observer, c’est le nuage de flou des points expérimentaux obtenus avec des neurones (presque)  in vivo, …

 

 

… aussi bien les uns que les autres.

 

 

Ces nuages de flou ne sont pas sans rappeler ceux des figures obtenues pour la prédiction d’apprentissage de la synapse électronique.

Ce flou pourrait être considéré comme une validation indirecte, et inattendue, des synapses électroniques créées par Vincent Garcia !

 

 

 

Les courbes a et b sont considérées par les auteurs comme « biologiquement réalistes », contrairement à la courbe d.

 

Il est troublant que les points expérimentaux de la courbe la plus artificielle (d) soit justement celle qui fasse apparaître le plus de flou…

Et si ce flou cognitif était celui qui permet la reconnaissance des visages ? (voir 08. Du flou dans la mémoire des visages)

Acceptons le flou des synapses de l’hippocampe comme celles de la synapse électronique comme il faut accepter celui de notre mémoire « naturelle » (voir 07. Notre mémoire floue) et basée sur la ferroélectricité des protéines de mémoire.

 

Acceptons le flou et au lieu de chercher une reproductibilité illusoire, considérons les signaux post-synaptiques comme des « objets cognitifs » … auxquels nous appliquerions une logique floue

Transfert de mémoire

Si une mémoire immédiate est localisée dans un compartiment du cerveau et celle à long terme dans un autre compartiment.

Par exemple depuis l’hippocampe vers le cortex cérébral, bien que l’hippocampe pourrait avoir le double rôle de capter la mémoire immédiate et de d’aiguilleur vers la zone d’emmagasinage.

La mémoire est donc transférée.

Elle pourrait l’être sous forme de protéines par le circuit astrocytaire, mais huit heures de sommeil suffirait-il à un tel transfert ?  

Le transfert se fait probablement par l’intermédiaire d’influx nerveux, et notamment pendant le sommeil.

De nouvelles protéines de mémoire sont synthétisées dans le compartiment de long terme.

Le transfert doit être soumis à une sélection qui elle-même fait appel à une logique floue ….

Un flou devra être observé dans des synapses biophysiques, comme il est observé dans le traitement des données par le cerveau.

Un ordinateur à synapses biophysiques (de même qu’un ordinateur à synapses électroniques) ne sera pas un ordinateur avec des portes logiques fermées ou ouvertes, mais avec des portes dont le degré d’ouverture restera floue.

Même si dans ma jeunesse j’ai utilisé les craies et les tableaux noirs de l’Institut Henri Poincaré, je suis incapable de parvenir à résoudre ces problèmes.
De cette époque, j’ai juste gardé le conviction que les mathématiques sont fréquentables même en dehors de la Mathématique. Je fais confiance aux mathématiciens pour résoudre ces problèmes, à condition qu’ils entrent dans des équipes réellement pluridisciplinaires  

Ce travail pourrait être un exemple pertinent de
«
La déraisonnable efficacité des mathématiques dans les sciences de la nature »,

Une synapse biophysique bio-inspirée de notre mémoire inclurait une jonction astrocytaire.

Le signal électrique biophysique serait modifié

- par la proximité des champs électriques générés par le matériau ferroélectrique situé entre les armatures..

- par un signal astrocytaire biophysique

Des réseaux biophysiques incluraient à la fois des circuits de neurones et des circuits parallèles d’astrocytes  

La complexité du cerveau nous projette dans l’étrangeté et le mystérieux.

Un probabilisme dans le cognitif a déjà été observée dans les années soixante.

Un vecteur ferroélectrique serait-il « quantique » quelque soit le matériau qui forme ce vecteur? dans ce cas il serait « quantique » à la température du corps !

Faudra-t-il inventer une « physique du mnésique » ? La biologie se situerait-elle à la frontière entre la physique quantique et la physique classique ?

Une physique de la ferroélectricité sera-t-elle celle de notre mémoire ? comme pourrait le suggérer le « memcomputing » ?

Les protéines de mémoire sont-elles capables de « stabiliser » des spins électroniques intriqués, que le passage d’un influx nerveux suffisant modifierait ?

Les étranges superpositions dont notre cerveau est capable sont-elles quantiques ? de même que la détection des odeurs.

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