02. Notre mémoire protéique
Comme « chefs d’orchestres » des fonctions cognitives les astrocytes produisent les protéines de mémoire et les mettent en contact avec les synapses (jonction entre les neurones).
Le blob donne un exemple de mémoire sans neurone.
Par analogie avec le système immunitaire de nombreuses protéines de mémoire peuvent être synthétisées par épissage alternatif. Réunies sous forme d’oligomères toriques elles permettraient un nombre de combinaisons quasi infini de toroïdes différents, aussi infini que les informations à mémoriser.
Une mémoire peut exister sans neurone, en dehors de tout neurone
Quand Jöns Jacob Berzelius inventa, en 1838, le nom « protéine », dérivé du grec ancien prôtos qui signifie premier, essentiel ; il n’imaginait certainement pas que les protéines seraient essentielles pour notre mémoire.
Assez tôt, plusieurs observations ont hissé les protéines au rang de support de la mémoire. Les travaux dans les années 1970 et 1980, comme ceux
aux États-Unis de Bernard Agranoff, Louis Flexner et Daniel Flood, ou
en France de la neurobiologiste Arielle Ungerer, en apportèrent la preuve.
Mais la génétique fut honorée d’un prix Nobel. Le glorieux ADN devait évidemment servir le dieu neurone, le support de la mémoire devait évidemment ressembler à une double hélice.
La science n’a rien à envier à la mode, voire au F-utile !
Plus de vingt cinq ans de vaines tentatives n’imposèrent pas l’ADN de mémoire, sans vraiment rappeler les protéines.
La mémoire reste quelque chose de plus ou moins mystérieux située aux jonctions entre les neurones (les synapses), une simple trace des activités électriques des neurones, des « traces mnésiques », à la limite du spiritisme …
… sous ce titre, Serge Laroche nous apprend, voir figure ci-dessous, que l’activation synaptique provoque « la synthèse de diverses protéines utilisées pour le renforcement des synapses ».
Les protéines de mémoire pourraient figurer parmi ces protéines
Si le support de la mémoire est protéique, quelles sont les protéines éligibles ?
… et d’abord une ….
Comment l’astrocyte « sait-il » quelles protéines il doit synthétiser pour qu’elles deviennent des protéines de mémoire ?
L'astrocyte ne le sait, évidemment, pas !
pas plus que le neurone !
Concernant le mystère de la mémorisation, aux arguments des deux neurobiologistes factieux (Pierre Magistretti et Yves Agid), j’ajoute que le blob « peut apprendre et même transmettre son savoir. Il est capable de trouver le plus court chemin pour sortir d'un labyrinthe »
Or le blob (Physarum polycephalum) n’est constitué que d'une seule cellule. Il ne possède donc évidement pas de neurone. Le blob est un myxomycète proche des amibes, il n'est pas non plus lui-même un neurone,
ni un astrocyte, même si on pourrait voir une certaine ressemblance entre les réseaux créés par l'un comme par l'autre.
Une mémoire peut exister sans neurone, en dehors de tout neurone
En terme d’Évolution la mémoire a précédé les neurones
La façon dont le blob mémorise et transmet des informations n’a pas encore été élucidée, mais ...
... Audrey Dussutour, une des scientifiques passionnées par cet étonnant organisme vivant, a glissé incidemment qu’il pouvait y avoir une relation entre cette mémoire amibienne et le système immunitaire.
Même si personne, sur le plateau de France Culture, n’a relevé l'incise, cette remarque est fondamentale.
Pourquoi l’allusion au système immunitaire à propos de la "mémoire" du blob est-elle si pertinente ?
Les systèmes de protection de l’immunité innée (re)connaissent la substance étrangère (l’antigène) et vont lancer une réponse prévue à l’avance :
- pour une réponse rapide, ce seront les macrophages et les neutrophiles
- pour les réponses encore plus rapides, ce sont les récepteurs à « l’amertume » qui envoient un oxydant puissant ( voir Amertume et microbes, en remarquant la présence de ces récepteurs dans le cerveau.)
Un mécanisme semblable à l’immunité innée correspondrait à la mémoire immédiate.
Il est vraisemblable qu’Audrey Dussutour pensait au système immunitaire de l’immunité acquise, celui déclenché quand la substance étrangère est inconnue.
Face à un danger inconnu, ce système à la capacité de synthétiser des protéines suffisamment diverses (les anticorps) pour répondre à la substance étrangère (un antigène) qu’il ne connaît pas à l’avance.
Un antigène est a priori aussi inconnu qu’une information qui doit être mémorisée par le cerveau humain, ou par un blob.
Cette analogie va permettre d’imaginer la synthèse et la structure des protéines de mémoire.
Quand une information doit être mise en mémoire, l’astrocyte déclenche la synthèse de nouvelles protéines de mémoire.
Par analogie avec les protéines de choc thermique (HSP) également produites par épissage alternatif (voir encart ci-dessous) et ayant un puissant champ (ferro)électrique (permettant une modification de la configuration de protéines endommagées, ou les mettre en forme "active" à la sortie du système ribosomale),
les protéines de mémoire « actives » serait – par exemple – constituées de trois types de protéines A, B et C
Environ 2 000 (voire plus ?) protéines A de natures différentes exprimées à partir du même gène (2 000 protéines isoformes) par épissage alternatif.
Protéines B, exprimées à partir d’un autre gène, dont le nombre d’isoformes serait moins varié ;
Une protéine C invariante permettrait de donner une « identité » aux protéines de mémoire, à toutes les protéines de mémoire, pour permettre
- leurs transferts, notamment des translocations ;
- la formation d’oligomères ou au contraire la désagrégation ;
- leur élimination ; leur hydrolyse, … c'est-à-dire toutes les fonctions habituelles du métabolisme des protéines.
Au cours de l'évolution, les mécanismes de la synthèse des protéines se sont dotés d'un moyen d'offrir aux cellules une diversité quasi infinie de protéines à partir d'un nombre limité de gènes : l'épissage alternatif. Un même gène pour plusieurs protéines
Li-Yuan Zhu donne une image de l’épissage alternatif en convoquant le cinéaste Serguei Eisenstein le « père du montage ».
Dans son « montage des attractions » celui-ci réussissait à créer un film différent en associant les mêmes séquences selon un ordre ou un autre
Transcription « normale » « Un gène, une protéine » :
Transcription par épissage alternatif :
Un gène comme DSCAM, impliqué dans l’adhésion cellulaire, peut produire plus de 15.000 transcrits différents (Figure ci-dessous), ce qui correspond, à titre de comparaison, au nombre total de gènes chez la Drosophile ! (tutorial de Simon Samaan, Etienne Dardenne, Didier Auboeuf et Cyril Bourgeois)
Mieux encore, le gène basonuclin-2, BNC2, exprimé dans de nombreux organes comme l’utérus, les testicules, l’intestin grêle, et aussi dans le colon, la prostate et la peau (kératinocytes) pourrait transcrire 90 000 protéines isoformes.
Egalement par analogie avec les Heat shock proteins ...
... l’organisation de cet oligomère serait le tore, un toroïde protéique.
Les protéines synthétisées, A, B et C, s’associent en toroïdes, comprenant deux A, deux B et deux C
La variété des protéines A et B,
par exemple A32 ; A142; B12; B7 ; C ; C.
permet un nombre quasi infini de toroïdes différents, comme les informations à mémoriser.
L’illustration de la couverture de La biologie de la mémoire de Georges Chapouthier pourrait aussi être une représentation de toroïdes de mémoire, mais elle ne permettraient pas un aussi grand nombre de possibilités de structures (ni de champs électriques que nous verrons bientôt)
Les protéines de mémoires pourraient se situer comme sur le schéma (simplifié) ci-dessous
- Par analogie avec les dendrites d’autres cellules (par exemple les mélanocytes) , il est probable que les protéines de mémoire soient synthétisées PUIS que l’astrocyte les « projettent » par une dendrite jusqu’à la synapse où elle se fixe et devient un « pied »
- Il est possible/vraisemblable que pour éviter l’interaction entre les champs électriques des protéines de mémoire, l'agrégation en oligomères toriques ne se fasse qu'au moment de la sélection par le champ électrique.
- Les protéines de mémoire ne sont évidemment pas les seules protéines à être impliquées dans le grand mécanisme de la mémoire.
La « sensibilité » de l’une d’elle, le récepteur NMDA, est fortement liée à la plasticité synaptique.
Voir Annexe aux articles 02 et 03. Protéines et la plasticité des synapses de Notre Mémoire
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Les astrocytes font partie des cellules gliales, c'est-à-dire toutes les cellules qui ne sont pas des neurones
Les astrocytes ont un rôle essentiel dans la mémoire.
Pas d’astrocyte pas de mémoire !
Le feuillet astrocytaire qui entoure la synapse permet une jonction entre les astrocytes et les neurones
Ce sont les astrocytes qui mémorisent, pas les neurones.
Les astrocytes apportent les informations (la mémoire) qui sont transmises par le réseau des neurones
Le contenu d’une information est plus important que le réseau qui la transporte.
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Les protéines ont des propriétés ferroélectriques
Des travaux sur la ferroélectricité de l’élastine, une protéine de structure, permet de donner un exemple de ces propriétés, y compris la piézoélectricité et la pyroélectricité