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Publié par Jean-Pierre FORESTIER

Issu d'un aller et retour linguistique entre le français et l'anglais (Conditionneur, Conditioning agent), la définition de conditionneur pourrait être : remettre dans sa condition d'origine, sa forme native, le cheveu « endommagé ». Le marketing français donne la traduction de « revitalisant », « restructurant », « réparateur » … Mais en réalité, plus que n’être remis dans leur « condition d’origine », le rôle des conditionneurs est permettre au Consommateur de coiffer sa chevelure comme il le souhaite !

Si les cheveux ont besoin d’être réparés, remis dans leurs conditions d’origine, c’est qu’ils ont été endommagés par différents facteurs extérieurs.

Chargé électriquement, le cheveu endommagé voit ses écailles se soulever, ses pointes devenir fourchue, etc. et la chevelure ébouriffée et impossible à peigner et à mettre en forme.

Le conditionneur doit rester sur le cheveu après le rinçage, mais pas trop, rester dans le juste équilibre est la force de la Formulation.

Plusieurs ingrédients sont utilisés par le Formulateur pour réparer le cheveu endommagé (et surtout pour permettre la mise en forme de la chevelure) :

des surgraissants,

des surfactifs cationiques,

des polymères cationiques,

des hydrolysats de protéines,

des silicones, etc.

Le cheveu est soumis à diverses agressions ...

... de nature chimique

- colorations et décolorations, permanentes, 

- shampooings délipidants,

- radicaux libres, l'été, notamment au bord de la mer ou d'une piscine.

 

... et de nature physique,

- par le peignage notamment le peignage inverse et/ou

- par un vent chaud, notamment celui du … sèche-cheveux

- par un brushing trop agressif

Un cheveu endommagé, c’est quoi ?

 

Sur la figure ci-contre, j’ai ajouté la kératine amorphe (flèche bleue), protéine qui « colle » les kératines fibreuses entre-elles.

    

 

Les fibres (les protofibrilles et macrofibrilles) sont très résistantes, c’est la kératine amorphe qui est fragile et qui peut être endommagée.

(c’est aussi elle qui absorbe

- les colorants et qui permet de se teindre les cheveux

- les surfactifs anioniques comme le Sodium laureth sulfate)

 

Les écailles de la cuticule sont également très résistantes mais elles peuvent se soulever ou se casser (comme un ongle)

Un cheveu endommagé est qualifié de "Sec" bien qu'il ne manque d'eau que dans des conditions climatiques extrêmes.

 

Certains cheveux de type africain ou négroïde sont naturellement et réellement déshydratés

« Sec » : il se charge d'électricité par simple frottement entre les cheveux

(c'est la triboélectricité, souvenez vous quand à l'école vous frottiez votre règle en plastique contre votre pull-over en laine pour attirer des petits morceaux de papier)

 

 

 

Ces charges sont toutes anioniques, ...

(pourquoi ? Je ne sais pas exactement. Peut être seraient-ce les surfactifs anioniques du précédent shampooing qui sont parvenu à se fixer sur la kératine amorphe du cheveu)

... en se localisant à la périphérie du cheveu ces charges  soulèvent les écailles de la cuticule ...

.... rendant le cheveu terne, ....

....
et le peignage plus difficile selon le
crescendo, qui peut être additif :

- cheveux secs ;
- cuticules soulevées

- "cliquets" (qui forment des "nœuds")
- cheveux mouillés (en raison de la tension superficielle de l'eau qui les "colle" entre eux).

Les charges localisées à l'extrémité du cheveu rendent la pointe fourchue
(
si la pointe peut être fourchue, c’est que la kératine amorphe a disparu et ne colle plus les fibres entrent-elles)

 

La chevelure devient ébouriffée, électrique ,et surtout impossible à peigner, et à mettre en forme à la mode

En intégrant un conditionneur le Formulateur réussit à faire d’un shampooing un produit de soin. Mais un shampooing n’est-il pas avant tout un moyen de se coiffer selon la mode ?

Il agit à la fois comme shampooing et comme un baume après-shampooing, etc.).

(Voir évolution des shampooings 1984)

 

 

Le conditionneur s'adsorbe sur le cheveu, comble les interstices et/ou réduit la charge électrique.

 

Il doit être substantif, c'est-à-dire rester sur le cheveu au moment du rinçage.

C'est-à-dire que le coefficient de partage entre,

         d’une part les kératines du cheveu,

         et d’autre part les micelles de l'eau de rinçage

doit être favorable aux kératines.

Plus précisément, il doit rester sur le cheveu suffisamment de molécules de conditionneur(s) après le rinçage.

 

Principe du coefficient de partage :

… est un « classique » de la physico-chimie.

Présentation des acteurs :

- molécule de surfactif anionique ou amphotère du shampooing

- molécule de conditionneur

- salissure du cheveu (séborrhée, conditionneur du shampooing précédent, laque, etc.

- surface du cheveu

 

Micelles dans le flacon de shampooing

Les molécules de conditionneur présentent plus d’affinité avec les surfactifs des micelles que l’eau mais « préféreraient être ailleurs ».

Là aussi, il existe un coefficient de partage, un petit nombre de molécules de conditionneur sont « en solution » dans l'eau, mais ne compliquons pas !

 

Lavage

Les salissures sont décollées (effet mouillant)

puis entrent dans les micelles (ou la mousse, effet détergent) formées par les agents lavants (surfactifs anioniques et/ou amphotères)

Rinçage et partage

Une partie des molécules du conditionneur se fixent sur le cheveu, tandis que les micelles formées par les surfactifs et les salissures partent avec l'eau de rinçage.

Le Coefficient de partage est le pourcentage de conditionneur qui reste fixé au cheveu par rapport à la quantité de conditionneur qui part avec l'eau de rinçage.

Substantif, mais pas trop !

S’il est trop substantif, le conditionneur peut avoir un effet

… cumulatif

(Cumulatif : il s’accumule après plusieurs lavages avec le même shampooing)

… et/ou rémanent, 

(Rémanent : il reste sur le cheveu après un lavage avec un shampooing sans conditionneur)

… les cheveux deviendraient raides, alourdis, donnant un effet "casque".

Substantif, et plus

Des qualités cosmétiques supplémentaires peuvent (doivent !) être apportées par les conditionneurs :

- améliorer le maintien de la coiffure, et/ou de celles des boucles,

- donner du corps,

- et pour les 2-en-1 donner l'impression d'être fixé "laqué" (voir 1987 Pert Plus )

Les premiers conditionneurs ont été simplement des regraissants (des Super-fatting agents) qui regraissaient le cheveu après la déliplidation par les surfactifs détergents du shampooing

Mais le gras, même "super", n'a plus une bonne image, de plus, le choix et la dose sont délicates car la plupart des corps gras sont des ... antimousses.

Parmi les nombreux surgraissants historiquement retenus, citons :

Parmi ceux d’origine animale

 

- les lécithines de l'antique shampooing aux œufs,

- la lanoline

- la moelle de bœuf (voir Évolution des shampooings 1984 ).

- il y eut même, un temps, la graisse de vison ! pour évoquer le luxe des manteaux créés par les pelletiers avec la peau du même animal.

Ces surgraissants donnent satisfaction à condition que leurs teneurs restent faibles.

Un premix/protoformulation avec un sol de Xanthane ou d’Acrylate/C10-30 alkyl crosspolymer, etc. peut faciliter l'incorporation de surgraissants dans la formule finale (oligoformulation).

 

Le Glycol stearate utilisé classiquement comme nacrant apporte aussi un peu de surgraissage. Il peut aussi être utilisé dans la mise en œuvre de la protoformulation. (voir Silicones)

Les Cocamide DEA, Cocamide MIPA, … sont/étaient d’excellents surgraissants, faciles d’emploi, mais ... voir ce §

 

Ne pas trop dégraisser  

Le meilleur corps gras du cheveu étant la séborrhée, le Formulateur peut choisir comme stratégie d'utiliser des surfactifs secondaires qui confèrent une faible sensibilité de la mousse à la présence de sébum. Le Consommateur d'après le test de la mousse ne double pas son shampooing donc ne délipide pas trop ses cheveux.

Par exemple : TEA PEG-3 Cocamide sulfate,

Sodium lauroyl sarcosinate,

Sodium cocoyl glutamate,

etc.

D'une part,  cationiques, ils neutralisent les charges négatives

et d'autre part ils créent une monocouche lipidique qui tapisse le cheveu et lui rendent son lustre et sa brillance.

 

La fixation d’un surfactif anionique peut être décomposé en deux étapes :

Effet substantif : les premières molécules se fixent sur la surface du cheveu (anionique) mais les liaisons, créent dans un environnement hydrophile, restent faibles.

Effet filmogène : quand toute la surface du cheveu est recouverte de surfactifs cationiques, les chaînes grasses créent un environnement lipophile qui renforce considérablement l'énergie des liaisons entre  la "tête"  cationique et le cheveu (anionique).

 

En fonction de l'objectif recherché, le Formulateur doit donc prévoir une quantité de surfactifs et/ou polymères cationiques suffisante,

sachant que le surface totale (dépliée) de la chevelure est de plusieurs m2

 

 

 

En neutralisant les charges anioniques, il rabat les écailles soulevées, il rabat les écailles soulevées  

 

Ainsi, il facilite le peignage ...

 

… et redonne du lustre à la chevelure

 

 

Il resserre les pointes fourchues

 

Il rend la chevelure moins ébouriffée

La fixation du surfactif/polymère cationique est « adaptative » :

 

Plus le cheveu est endommagé, plus il est chargé négativement

et plus la fixation de cationiques est importante.

 

En modifiant la surface du cheveu, le conditionneur cationique modifie tous ses rapports avec l’extérieur

 

La vue : la lumière rencontre d’abord la monocouche de conditionneur et confère du lustre à la chevelure

 

Le toucher, par la main ou par le peigne,

 

Ils confèrent également un effet protecteur en faisant écran contre les agents agressifs

 

Les conditionneurs cationiques sont la base des après-shampooings, mais la plupart précipitent en présence des surfactifs anioniques utilisés dans les shampooings.

Généralement, le précipité conditionneur/surfactifs est « redissous » par un excès de surfactif pour former des micelles mixtes.

Les chimistes ont également aménagés quelques molécules pour les rendre compatibles, c'est-à-dire qu’elles conservent leurs propriétés de conditionneur sans provoquer de précipitation.

Par exemple :

… des complexes pseudo-nonioniques dans lesquels le surfactif cationique possède à la fois une chaîne grasse et un groupe nonionique supplémentaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

Lauryl methyl gluceth-10 hydroxypropyldimonium chloride

( « Lauryl » : chaîne grasse en C12 ; « glu » pour glucose ; « gluceth-10 » pour indiqué que sur la molécule de glucose ont été greffés, en moyenne, 10 maillons d’éthylène glycol (w + x + y + z = 10)

 

Différents conditionneurs cationiques

Ils peuvent être des monomères ou des polymères

- Les classiques mono et di alkyl amidopropyls, (mono = une chaîne grasse, di = deux chaînes grasses).

 

… ou même « tri », à trois chaînes grasses ; par exemple avec la chaîne cétyl (C16) : Cetrimonium Chloride ; plus rares mais utilisé dans

Bain de Terre Coconut Papaya Shampooing Ultra Hydratant.

 

Cas particulier des surfactifs  amphotères :

- Cocamidopropyl betaine,

- Hydrogenated tallow betaine,

etc.

À un pH inférieur à leur pHi, ils se comportent comme des cationiques.

 

En plus de leurs homologues, les polymères cationiques apportent du "corps" au cheveu et un guipage

(en électricité, le guipage est la « gaine isolante qui entoure un fil conducteur ».  le guipage est également utilisé en broderie)

 

.. qui est particulièrement intéressant pour réparer et enrober les cheveux fourchus.

Le plus célèbre est le Polyquaternium-10, derrière ce nom ésotérique de la nomenclature INCI se cache une simple cellulose polyhydroxylée et quaternarisée

(dont la substantivité est améliorée par l'addition des Cocoamphoacetates dans la formule).

 

(n correspond au nombre de motif de D-glucose constituant la cellulose

x le nombre de chaînons d'éthylène glycol)

 

Les gommes guars quaternarisées donnent d'excellents résultats

(Guar hydroxypropyltrimonium chloride ou

Hydroxypropyl Guar hydroxypropyltrimonium chloride,

etc. )

et, par ailleurs, elles contribuent à l'onctuosité de la mousse.

 

La gomme guar est issue de Cyamopsis Tetragonoloba, elle est présente dans la formule de JooMo  mais sans être quaternarisée

La première observation de la protection par des hydrolysats de protéines date de 1920, quand il s'agissait de protéger la laine lors des teintures.

Ces hydrolysats sont plus amphotères que cationiques mais comme ceux-ci, ils sont « adaptatifs » (un réglage automatique du soin en fonction du degré d'endommagement du cheveu, voir ci-dessus ) puisque qu’ils ont une meilleure substantivité pour le cheveu décoloré que pour le cheveu natif.

Comme ils ont peu d'effet cumulatif/rémanent, ces hydrolysats sont idéaux pour le cheveu fin.

Le formulateur a (avait) le choix entre des hydrolysats :

- de Kératines : laine, peau, sabot, plume, … et même cheveux humains

- des Collagènes de peaux (de porc, de bœuf, …, de poissons). Plus précisément des peptones de gélatine (Brevet US-A 3 543 56)

- de Soie (mieux perçu par le consommateur)

 

Pour rechercher une plus grande substantivité, des protéines ont été modifiées chimiquement pour être chargées positivement, mais d’autres négativement !

La société Colgate avait proposé des fractions de collagène riche en amino acides chargés positivement ainsi que le dipeptide glycyl-arginine;

Bien que les peptides d'origine animale restent préférés par les professionnels en raison de leurs performances au coiffage, de toucher, de « corps »…

… l’utilisation de ces peptides étant sujette à controverse pour des raisons sanitaires ou vis à vis de certaines convictions philosophiques ou religieuses,

… des protéines végétales alternatives ont été proposées les "Alternative animal product"

 

- de soja : Hydrolyzed soy protein

- de levure Hydrolyzed yeast protein

- de blé : Hydrolyzed wheat protein.

Et pour plus de substantivité, elles ont été quaternarisées : Hydroxypropyltrimonium hydrolyzed wheat protein

 

Les silicones sont (ont été) très présentes dans les shampooings.

Elles permettent de tapisser le cheveu d'une très fine couche hydrophobe, et ainsi d'apporter un toucher, un lustre et un peignage (lubrification).

La finesse de la couche hydrophobe est conférée par la

• Flexibilité de la molécule (Grand angle de valence + grande distance entre les atomes Si - O – Si)

• Bonne tenue au froid (changement d'état à -120°C)

• Très bon étalement

• Formation de film monomoléculaire de très faible épaisseur (1 nm)

Porosité aux gaz   

Le cyclomethicone, silicone cyclique, "évanescent", facilite le peignage humide, pour "disparaître" une fois le cheveu sec.

Cette propriété lui a été reprochée, mais il ne faut rien exagérer, sa température d’ébullition est de 210°C !

Dans le "premier" 2-en-1, Pert Plus, les formulateurs de Procter & Gamble ont utilisé :

Silicone resin (and) Dimethicone gum

en solution dans du Cyclomethicone, le tout stabilisé par le Glycolstearate dans une protoformulation.

 

 

L’Amodimethicone présente une fonction amine qui le rend particulièrement substantif vis-à-vis du cheveu.

Devant être au préalable émulsionnées (dans une protoformulation), les silicones sont réservées aux shampooings "crème" ou « nacrés ».

 

L’Amodimethicone et la Guar hydroxypropyltrimonium chloride sont tous les deux présents dans la formulation que ce je considère comme étant un des chef-d’œuvres de la Cosmétique moussante ;

Elseve Total Repair 5 Shampoing Reconstituant.

Il contient aussi un "pseudo céramide" le 2-Oleamido-1,3-Octadecanediol, mais c'est une autre histoire que je conterais peut être un jour.

La puissance de l’art de la formulation

… pourrait être le sous-titre de cette série d’articles.

Plus qu’une description du shampooing, j’ai voulu montrer que les Formulateurs ont réussi, en quelques décennies, à satisfaire les attentes du Consommateur

Pourquoi se laver les cheveux avec un shampooing ?
Vers

Le shampooing ne sert pas à se laver des cheveux « sales » mais à mettre en forme sa chevelure.

Les ingrédients utilisés par la Formulateur pour créer un shampooing sont en accord avec la demande du Consommateur, à savoir :

- Produire rapidement de la mousse en qualité et en quantité souhaitées (surfactifs primaires et secondaires), être facile à rincer, ...

- Apporter des qualités cosmétiques : faciliter le peignage, donner du lustre aux cheveux, et. (conditionneurs), être non irritant.

- Embellir la formulation (viscosants ; nacrants et opacifiants ; colorants ; composition parfumante ; "principes actifs").

- Protéger le shampooing (conservateurs, etc.)

 

Mention particulière pour le Sodium laureth sulfate (et des fake news) ; le Cocamide DEA, et le Cocamidopropyl betaine

 

L’obtention d’une mousse onctueuse, fine et stable donne un premier exemple de la complexité et de la puissance de la formulation.

La « douceur » d’un shampooing est une attente du Consommateur.

Pour y répondre la Formulateur utilise de nombreux ingrédients : des dérivés protéiques, quelques surfactifs non ioniques, des « huiles hydrophiles », des hauts polymères, le Disodium ricinoleamido MEA sulfosuccinate, le Magnesium laureth-8 sulfate, etc.

 

La puissance de la formulation apparaît dans le mélange synergique du Sodium laureth sulfate avec des surfactifs « secondaires » comme le Sodium lauroyl sarcosinate ou mieux encore le Disodium cocoamphodiacetate.

 

Un surfactif même fortement irritant, s'il était utilisé seul, peut être non irritant dans une formulation, pas un peu irritant, pas du tout irritant.

Par ailleurs, le principe :« Le poison, c’est la dose » est la base la pharmacologie.

Il existe toujours une Zone de concentration où la substance « poison » n’a aucun effet.

Maintenant que le cheveu a été embelli, c’est au tour du shampooing d’être embelli par

une viscosité adaptée,

des nacrants, des colorants,

des parfums et

des principes actifs.

Tout doit être fait pour satisfaire sa Majesté le Consommateur

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