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Publié par Jean-Pierre FORESTIER

 La « douceur » d’un shampooing est une des attentes du Consommateur.

Pour y répondre le Formulateur utilise de nombreux ingrédients et en priorité la puissance de la formulation

Considérant un ingrédient utilisé seul, le principe :« Le poison, c’est la dose » est la base la pharmacologie. Il existe toujours une Zone de concentration où le « poison » n’a aucun effet.

Dans une formulation, un surfactif même fortement irritant, s'il était utilisé seul, peut être non irritant.

 

Une des qualités souvent recherchée chez un shampooing est être "doux".

(Voir § 1960-70  Années Peace and Love et "Douceur")

 

Là encore il faut s'enquérir auprès de sa Majesté le Consommateur de ce qu'il entend par doux ?

 

Les réponses sont multiples.

 

« Doux pour l'œil »

C'est-à-dire : non irritant pour la muqueuse oculaire, mais il faut remarquer que le shampooing n'est pas fait pour se laver les yeux. Mais il est vrai que cette « douceur » est importante pour les shampooings pour bébés et jeunes enfants.

 

« Doux pour la peau », c'est-à-dire non irritant pour le cuir chevelu, ... et les mains qui servent à utiliser le shampooing. . Auquel, il convient d’ajouter Doux pour le microbiote de l’épiderme, c'est à dire qui préserve le microbiote de Chosmo epidermis.

 

 « Doux pour le cheveu" c'est-à-dire « non desséchant », « pas trop délipidant" », permettant un « usage fréquent ».

 

Doux, c’est aussi

- « qui laisse un toucher doux »,

- les cheveux sont « agréables à caresser »

(Jadis, une publicité utilisa cette qualité : un monsieur en costume et cravate, caressait presque par hasard les cheveux d’une dame élégante. Il la complimentait et la dame était ravie ….

Autre temps, autre cible … impensable aujourd’hui !)

 

Doux, peut également se référer à « la mousse » développée par le shampooing.

 

Les principaux ingrédients utilisés pour « adoucir » un shampooing sont les

Dérivés protéiques

Surfactifs secondaires

 

 

Mais le facteur fondamental est celui de la formulation

Pour la « douceur » les protéines d'origine végétales sont aussi efficaces que celles d’origine animales. Elles doivent être de masses moléculaires élevées :

Hydrolyzed wheat protein

Ou même des "Farines" modifiées

(« lait d’avoine » voir ci-contre ;

« lait d’amande », etc.)

Le principe d'action de ces surfactifs nonioniques serait de diminuer la vitesse de fixation du Sodium laureth sulfate dans/sur les kératines amorphes, voir Charges anioniques)

… sans perturber les qualités de la mousse

Sont par exemple utilisés :

PEG-7 glyceryl cocoate

PEG-80 glyceryl tallowate

Polyglyceryl-6 distearate 

Decyl polyglucose

PPG-5 laureth-5 (plutôt dans les gels-douches et bains-mousses)

 

PEG-40 Hydrogenated Castor Oil, (Costor oil = huile de ricin, pas de castor !)

PEG-200 Hydrogenated Glyceryl Palmate,

Ces deux ingrédients se retrouvent dans le "gel-douche"  A.2 : Synthetic

 

Certains surfactifs secondaires anioniques sont plus particulièrement destinés à la réduction de l'irritation cutanée et à conférer un toucher « doux »,

se sont par exemple : les monoalkyl-sulfosuccinates

La Sarcosine = N-méthyl glycine.

 

Le Sodium lauroyl sarcosinate est présent dans certains shampooing (ci-contre) et est

quasiment incontournable dans la formulation des gels douches et les formules de lavage du visage, (ci-dessous. )

où son action est synergique avec le laureth sulfate)

Le Disodium ricinoleamido MEA sulfosuccinate ...

(représenté ici avec les deux ions Na+ non dissociés)

 

… est un exemple «d’éloignement entre la chaîne grasse et la « tête » ionique pour rendre le surfactif plus « doux » par du MEA (= Mono éthanolamine, base organique faible)

(déjà signalé dans le § Complexité et puissance de la formulation)

 

Disodium ricinoleamido MEA sulfosuccinate,

... présent dans Ultra doux Enfants,  (certainement un chef d’œuvre de la formulation de sa catégorie)

 

La présence de Magnesium laureth-8 sulfate dans la formule de Ultra doux kids Shampooing à la cerise et amande douce

… donne un autre exemple «d’éloignement entre la chaîne grasse et la « tête » ionique.

Le Magnesium laureth-8 sulfate est un surfactif anionique de la même famille que le Sodium laureth sulfate, mais dont la chaîne polyoxyéthylénée est plus longue : 8 maillons, au lieu de 2 en moyenne pour le Sodium laureth sulfate. Mais cet allongement a l’inconvénient de réduire considérablement les capacités de viscoser une solution avec du Sodium chloride)

 

Par ailleurs, la chaîne grasse est un peu plus longue (C14 = chaîne myristique)

 

 

(Le Sodium myreth sulfate est également un ingrédient de A.2 : Synthetic )

 

Autres "adoucissants"

 Les hauts polymères hydrophiles PEG-150, PEG-2000, confèrent à la fois de la « douceur », notamment par une mousse dense et crémeuse, et de la viscosité au shampooing, gel-douche, etc.  

et aussi :

- Lipophile/hydrophile : PPG-28 Buteth 35 (qui est en plus surgraissant et solubilisant de compositions parfumantes)
- Aminés : PEG-15 cocopolyamine

 

La plupart des conditionneurs, y compris les polymères cationiques (compatibles) contribuent à "adoucir" la formulation.

  

Ces ingrédients additifs sont efficaces pour donner plus de « douceur » à un shampooing, un gel-douche, …

… mais c’est dans la recherche de la « douceur » que l’art de la formulation montre toute sa puissance.

 

 

Un mélange de surfactifs peut être moins irritant que la somme pondérée des irritations de chacun d'entre eux

 

Le tout est plus que la somme des parties

Aristote

Le surfactif secondaire : Sodium lauroyl sarcosinate,  est « non irritant » par lui-même

(selon le test de Draize, obligatoire par la loi à l’époque où ont été effectués ces travaux, maintenant remplacé par des méthodes alternatives. Et c’est heureux puisque le test de Draize était réalisé sur des yeux de lapin, voir annexe Pharmacologie)

… mais surtout, il provoque la diminution de l’irritation provoquée par le Sodium laureth sulfate

 

Mieux encore : en associant le Sodium laureth sulfate au surfactif amphotère
Disodium cocoamphodiacetate

non irritant mais générant une faible quantité de mousse (et d'un prix élevé), la société Miranol a été la première à créer un mélange synergique de surfactifs moins irritant que la somme pondérée des irritations de chacun d'entre eux.

     Il suffit de quelques pourcents de ce surfactif amphotère pour faire passer le Sodium laureth sulfate dans la zone "non irritant" sans diminuer notablement la quantité de mousse. Cette propriété a permis de formuler les premiers Shampooings pour bébé.

La Courbe théorique est donnée par la somme pondérée des irritations des deux surfactifs s'ils étaient les seuls à être utilisés

La puissance de la formulation permet même à deux surfactifs (Sodium lauryl sulfate et Lauryl betaine) qui utilisés séparément sont presque aussi irritants l’un que l’autre,

de faire baisser l’irritation du mélange d’environ 40% quand on utilise deux parts de Sodium lauryl sulfate pour une part de Lauryl betaine.

 

Attention : Une synergie positive n’est pas la règle !

 

Un fabricant de surfactif avait proposé le Varonic (un alkyl glycérol polyoxyéthyléné) et donné la courbe ci-dessous pour montrer la synergie. Malheureusement, la synergie positive n’est que partielle ! Une partie est négative.

 

Revoir aussi  Cocamide DEA

Rechercher une synergie positive fait partie de l’art de la formulation

Un surfactif même fortement irritant, s'il était utilisé seul, peut être non irritant dans une formulation. Tout dépend des autres surfactifs et des autres composants qui lui sont associés et des proportions de chacun.
Bis, mais il bon d’insister sur la puissance de la formulation 

 

L'apport de la formulation est primordial et ce n'est pas parce qu'un surfactif irritant est présent dans une formulation qu'elle est irritante, il faut considérer l'ensemble de la formulation.

J'insiste !!!

 

Il est probable que cette recherche de la « douceur » a permis aux formules « douces » de préserver également le microbiote de Chosmo epidermis. Voir Chosmo epidermis 04. De quoi devenir fou ou montrer la puissance de la formulation.

 

 

Affirmer, comme on le lit souvent qu’une formulation est irritante parce qu’un ingrédient est irritant n’a pas de sens !

      Voir ci-dessous, un vieil exemple de cet absence des connaissances élémentaires de la pharmacologie (voir le Poison c'est la Dose).

 

Que Choisir est plus prudent avec ses « produits à risque ».

 

C’est bien l'ensemble de la formulation que Lee-Sandra Marie-Louise aurait du considérer, et beaucoup d’autres comme elle !

Et c’est d'ailleurs ce que prévoit la loi.

 

Écrire comme Lee-Sandra Marie-Louise : « Composants d’origine chimique non recommandés » n’a pas de sens quand ils entrent dans une formule.

 

 

Puisque j’ai abordé le chapitre de la toxicité, autant continuer.

Depuis les travaux de Paracelse, au 16ème siècle, nous savons (mais certaines et certains l'ignorent encore !) que :

Tout est poison. Rien n’est poison. Le poison c’est la dose

« Allé Ding sind Gift, und nichts ohn Gift; allein die Dosis macht, daß ein Ding kein Gift ist. »

C’est la base la pharmacologie.

Une substance n’est toxique que par sa dose.

Sur l’antenne de France-Culture, invité par Nicolas Martin,

 Philippe Legrand

Directeur du laboratoire Biochimie Nutrition Humaine à l’Agrocampus-INRA de Rennes

Expert auprès de Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail)

… scandait avec force

« Il faudrait que les auditeurs comprennent une fois pour toute de tout est une question de dose »

Ce que doivent comprendre les auditeurs de France-Culture, tous ceux qui lisent cet article doivent aussi le comprendre,

… hélas, ce ne serait qu’un vœu pieux de le faire comprendre à toutes les Lee-Sandra Marie-Louise et autres « Que Choisir », puisqu'elles/ils préfèrent entretenir la peur.

C’est d’entretenir cette peur qui leur donne leur pouvoir.

 

 

 

 

(voir aussi Voir aussi le Conte cosmétologique)

Allons plus loin, puisque la notion effet/dose de la pharmacologie n’est pas intuitive et que visiblement Lee-Sandra Marie-Louise et toutes ses consœurs ne la connaissent pas.

Après Paracelse, il fallut attendre le tout début du XXème siècle pour que John Newport Langley (avec Paul Ehrlich) de l’université de Cambridge (GB) après des observations sur la nicotine émette la notion de récepteurs.

La nicotine, un poison, agit sur des récepteurs. Il faut qu’il existe des récepteurs physiologiques pour que la nicotine ait un effet.

Pas de récepteurs, pas d’effet, la substance est neutre, ni poison ni délice.

(cette formule n’est pas tout à fait vraie puisque « tout est poison », même l'eau, voir ci-dessus, mais simplifions !)

         Tout dépend du récepteur :
L’effet d’un « poison » dépend des récepteurs sur lesquels il se fixe. Une même substance peut être un délice quand elle se fixe sur un type de récepteur, et être un poison fixée sur un autre récepteur.

 Quelques années plus tard, Alfred Joseph Clark théorisa les observations de Langley pour finalement donner cette courbe sigmoïde qui est devenue classique.

(qui correspond plus généralement aux courbes lignant/récepteur)

 

Courbe Effet/dose appliquée à un médicament. Si le médicament n’a pas de récepteur dans l’organisme il est sans effet. Rappel !

 

 La courbe Effet/dose, permet de visualiser une propriété pharmacologique essentielle : il existe toujours une Zone de concentration où la substance est sans aucun effet ; pas un peu d’effet, aucun effet

En fonction du couple substance/récepteur la courbe a différentes formes, différent Emax et différentes zones de concentration où la substance est sans aucun effet ; mais l’allure générale reste toujours celle d'une sigmoïde.

Courbe "intuitive" de proportionnalité entre l’Effet et la Dose.

Depuis plus de quatre siècles la proportionnalité à laquelle « croit » encore Lee-Sandra Marie-Louise est contredite par les observations. 

L’addition, par exemple, du surfactif amphotère

Disodium cocoamphodiacetate (voir « Doux » la puissance de la formulation »)

fait glisser la courbe Effet/dose vers les plus grandes concentrations.

Il est vraisemblable que la courbe a une forme différente et un Emax différent, mais schématisons !

La Zone de concentration où la substance devient sans aucun effet est élargie

 

J’insiste : mélangé à d’autres ingrédients, un ingrédient du shampooing peut perdre complètement sa toxicité (irritabilité), ou en ... gagner ! (voir § Une synergie positive n’est pas la règle ! )

 

C’est donc bien l'ensemble de la formulation que Lee-Sandra Marie-Louise et consœurs auraient du considérer, et beaucoup d’autres comme elle.

Et c’est d'ailleurs ce que prévoit la loi (bis)

 

À la suite du drame du Talc Morhange, la loi prévoit que c’est le produit fini (par exemple le shampooing) qui doit être testé.

 

Les tests doivent être effectués, par exemple pour l’irritation des yeux, selon le test de Draize … qui consiste à instiller une solution du shampooing et d’observer l’état de l’œil pendant 14 jours (et je ne vous parle pas des rouges à lèvres qui étaient testés sur une muqueuse du même lapin, or sa seule muqueuse accessible était la muqueuse anale)

En pratique, …

Comme ces tests étaient très onéreux et pas très sympathiques pour nos amis les animaux, en pratique,

- d’une part des tests alternatifs sur des cultures cellulaires sont de plus en plus admis.

- d’autre part, le législateur a accepté que soit constitué un dossier qui regroupe les toxicités de tous les ingrédients présents dans la formule

(ce qui est un cauchemar pour celui qui est chargé des affaires Technico-réglementaires, le Tec-Reg, en pratique, souvent le Directeur de Recherche et Développement, qui aurait d’autres choses à faire que de remplir des paperasses)

En acceptant ce dossier, le législateur admet le principe selon lequel la somme d’ingrédients non toxiques n’est pas toxique.

Ce qui est contraire aux lois de la pharmacologie et …  n'a pas plus de sens que d’écrire, comme Lee-Sandra Marie-Louise, qu’un shampooing est « potentiellement irritant » parce qu’un ingrédient est irritant.

Mais il en est ainsi …

La puissance de l’art de la formulation

… pourrait être le sous-titre de cette série d’articles.

Plus qu’une description du shampooing, j’ai voulu montrer que les Formulateurs ont réussi, en quelques décennies, à satisfaire les attentes du Consommateur

Pourquoi se laver les cheveux avec un shampooing ?
Vers

Le shampooing ne sert pas à se laver des cheveux « sales » mais à mettre en forme sa chevelure.

Les ingrédients utilisés par la Formulateur pour créer un shampooing sont en accord avec la demande du Consommateur, à savoir :

- Produire rapidement de la mousse en qualité et en quantité souhaitées (surfactifs primaires et secondaires), être facile à rincer, ...

- Apporter des qualités cosmétiques : faciliter le peignage, donner du lustre aux cheveux, et. (conditionneurs), être non irritant.

- Embellir la formulation (viscosants ; nacrants et opacifiants ; colorants ; composition parfumante ; "principes actifs").

- Protéger le shampooing (conservateurs, etc.)

 

Mention particulière pour le Sodium laureth sulfate (et des fake news) ; le Cocamide DEA, et le Cocamidopropyl betaine

 

L’obtention d’une mousse onctueuse, fine et stable donne un premier exemple de la complexité et de la puissance de la formulation.

Issu d'un aller et retour linguistique entre le français et l'anglais (Conditionneur, Conditioning agent), la définition de conditionneur pourrait être : remettre dans sa condition d'origine, sa forme native, le cheveu « endommagé ». Le marketing français donne la traduction de « revitalisant », « restructurant », « réparateur »…

Si les cheveux ont besoin d’être réparés, remis dans leurs conditions d’origine, c’est qu’ils ont été endommagés par différents facteurs extérieurs.

Chargé électriquement, le cheveu endommagé voit ses écailles se soulever, ses pointes devenir fourchue, etc. et la chevelure ébouriffée et impossible à peigner et à mettre en forme.

Le conditionneur doit rester sur le cheveu après le rinçage, mais pas trop, le juste équilibre est la force de la Formulation.

Plusieurs ingrédients sont utilisés par le Formulateur pour réparer le cheveu endommagé : des surgraissants, des surfactifs cationiques, des polymères cationiques, des hydrolysats de protéines, des silicones, etc.

Maintenant que le cheveu a été embelli, c’est au tour du shampooing d’être embelli par

une viscosité adaptée,

des nacrants, des colorants,

des parfums et

des principes actifs.

Tout doit être fait pour satisfaire sa Majesté le Consommateur

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