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Publié par Jean-Pierre FORESTIER

- Bonjour Professeur.

- Bonjour Axiothée.

- Une lectrice de votre École de la Beauté m’a signalé une faute d’orthographe dans votre dernier texte.

- S’il y en avait qu’une seule, j’en suis heureux ! Et je crois l’avoir corrigée. Mais l’orthographe va nous permettre de continuer notre étude sur les Conquérants/Régnants et de l’importance du classement social parmi les Régnants

- ?

- Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, l’orthographe est la manière, considérée comme correcte, d'écrire un mot.
Toute la nuance est dans le « considérée comme correcte ».

- N’est-ce pas ce « correct » qu’a voulu François Ier, Professeur ?

- Pas exactement, Axiothée. L’ordonnance de Villers-Cotterêts, à laquelle tu fais allusion n’était qu’une  Ordonnan du Roy sur le faid de justice 

     Il y avait eu précédemment des contresens dans des écrits de justice rédigés dans le latin, approximatif, utilisé à cette époque et la traduction en langues locales. Pour mettre fin à ces ambiguïtés, François Ier ordonna que tous les textes officiels soient écrits en français ; même si ce français n’était guère parlé que sur les bords de la Loire.

- Là où résidait souvent le Roy de France. Par exemple à Amboise,

- En effet, Axiothée. Et surtout le chancelier de France, Guillaume Poyet, le rédacteur de cette ordonnance, était natif d’Angers et où il avait la charge de magistrat.

 

 

 

- Mais n’était-ce pas aussi un acte d’autorité de la part de François Ier ? Le début de la monarchie absolue ?

- Tu as parfaitement raison, Axiothée, tenir la langue officielle, c’est tenir le pouvoir. Les lettrés chinois ont tenu le pouvoir avec le mandarin depuis la dynastie des Tang jusqu’à l’aube du XXe siècle.

- … !

- Je le vois dans ton regard, Axiothée, je m’égare. Il y a d’autres exemples dans l’Histoire mais le français de François Ier doit en réalité sa propagation aux Régnants.

- ?

- Tous ceux, dans le Royaume de France qui étaient concernés par l’administratif et par le juridique ne tardèrent pas à s’exprimer en français. Comme ces personnes étaient aussi celles qui détenaient un pouvoir, c'est-à-dire des Régnants, parler français permit d’afficher un positionnement social élevé.

Comme nous le rencontrerons souvent sur d’autres exemples, imiter la classe sociale la plus élevée a fait le succès du français et sa propagation à travers le Royaume de France.

- Et l’orthographe, Professeur !

- Il viendra explicitement pour différencier les classes sociales, mais plus tard, nous ne sommes encore qu’au XVIe siècle.

Voici le texte royal. Qu’en penses-tu Axiothée ?

« Que les arretz soient clers et entendibles Et afin qu'il n'y ayt cause de doubter sur l'intelligence des dictz arretz. Nous voulons et ordonnons qu'ilz soient faictz et escriptz si clerement qu'il n'y ayt ne puisse avoir aulcune ambiguite ou incertitude, ne lieu a en demander interpretacion. »

- L’objectif est clair : lever les ambiguïtés.

- Et l’orthographe ? Que penses-tu de l’orthographe, Axiothée ?

- N’était-ce pas la façon d’écrire de cette époque, Professeur ?

- Dans un sens, oui, Axiothée. Mais surtout, il n’y avait pas d’orthographe, l’écriture était à cette époque libre.  

Et pourtant, avec notre regard du XXIe siècle, nous comprenons parfaitement ce texte.

- Sans la moindre ambiguïté, c’est vrai, Professeur.

- C’était bien le but de François Ier, lever toute ambiguïté !

- Alors à quoi sert l’orthographe, Professeur ?

- Nous y viendrons, Axiothée. Non seulement, l’orthographe était libre mais elle était livrée au sens de l’esthétique de celui qui tenait la plume.

- ?

- Regarde par exemple les grandes antennes du R de Roy et le zigzag qui embellit le y. Pure esthétique, qui se retrouve dans les z terminaux, comme dans « arretz » ou « faictz », que tu as parfaitement élucidés.
Il en est de même de patronymes, comme Niémaz, « embellis » par un curé. (La même ordonnance du Roy ordonna aux curés de paroisse de tenir un registre d’État civil)

- Alors quand l’orthographe est-elle apparue ?

- J’y arrive, Axiothée, mais restons d’abord à l’époque du règne de François Ier, gagnons Wittenberg plus précisément la porte de l’église de Wittenberg. Luther vient d’y placarder ses 95 thèses pour s’opposer aux ventes d’Indulgences promulguées par le pape Léon X en 1515.

- 1515 ! François Ier était en Italie, à Marignan ! Où il a gagné...

- …

 

 

- Indulgences ! Mais, Professeur, je sais qu’on peut être indulgent envers les erreurs de quelqu’un, par exemple envers ses fautes d’orthographe ou de syntaxe, mais je n’imagine pas que cette indulgence puisse être vendue !

- C’est une idée du « terrible » pape Jules II. Il avait besoin d’argent pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome. Il proposa d’être indulgent vis-à-vis des pécheurs.

Contre monnaie sonnante et trébuchante, cette indulgence devint les Indulgences. Ces Indulgences garantissaient une rémission des péchés. Le pape garantissait que le pécheur en possession de ces Indulgences irait directement au Paradis après sa mort.

- Un peu tordu ! Si je peux m’exprimer ainsi, Professeur.

- Ça l’était, tordu, comme tu dis, Axiothée, mais Léon X, alias Jean de Médicis et successeur de Jules II, renouvela le commerce des Indulgences, beaucoup protestèrent et pas seulement Luther.

- !!

à suivre

Plusieurs siècles après son invention, l’orthographe continue d’être un marqueur de classes.

Simplifier l’orthographe, ce n’est pas libérer l’écriture.

 

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