ÉCOLE.12_Princesse, un jeu ?
- Bonjour Professeur.
- Bonjour Axiothée. Je te trouve songeuse.
- Dans le dernier cours, j’ai évoqué Barbie à travers laquelle la petite fille se projette en femme adulte et libre !
- Et je t’ai même félicitée pour ce rapprochement avec la femme qui se mettant en parfum avec So First, se projette au niveau social du luxe des bijoux de Van Cleef & Arpels.
- Je veux bien qu’à travers sa poupée, la fillette, Romaine ou actuelle, se projette en adulte, mais cette même petite fille ne rêve-t-elle pas aussi d’être une princesse adulée ?
- Il me semble, Axiothée, qu’au ton que tu emploies, ce rêve ne bénéficie pas de ta complète l’approbation.
- En effet, Professeur. Mais les Barbie préférées des fillettes ne sont-elles pas « en princesses » ? Notamment en cette période de féerie des fêtes de fin d’année ?
- Je te l’accorde, Axiothée, mais souviens-toi comment finissent les contes de fée.
- Il me semble que c’est « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ! »
- Oui, Axiothée, « beaucoup d’enfants ». Une Princesse est une génitrice en devenir. C’est ce devenir qui est adulé, pas la femme. Trop souvent, une princesse est promise à la servitude d’un prince, charmant peut-être, mais qui lui-même est soumis à un système patriarcal. Et même s’il est, au début, charmant, il ne le restera pas longtemps.
- Aux Princesses, je préfère la féminité assumée et la liberté évoquée par l’étrange poupée Barbie. Mais alors, Professeur ?- Cette liberté, Axiothée, n’empêche pas la petite fille, et nous ne saurions lui reprocher, de rêver en se parant comme une princesse. Car elle sait parfaitement que ce n’est qu’un jeu et … un déguisement ! Même si ce déguisement — et ceci nous montre l’infini complexité féminine — souvent, devenues adultes, ce déguisement, les femmes le renouvellent le jour de leurs épousailles.
- Je ne devais avoir que quatre ou cinq ans, c’était le premier mariage auquel j’assistais, et en toute candeur, j’ai demandé à la jeune mariée pourquoi elle s’était déguisée en princesse ? Mon père m’a rappelé récemment ce « mot d’enfant ».
- Tu étais déjà une excellente observatrice, Axiothée. Pour continuer, je dis que cette liberté n’empêche pas toutes les femmes, de tout âge, d’être flattées d’être titrées de Princesse …
- … !
- Devenir une Princesse par le jeu de compliments ou de galanteries, toutes les femmes, Axiothée, savent que ce n’est qu’un jeu, un jeu ambigu, peut-être un jeu de séduction, mais qu’un jeu !
- Dont l’ambiguïté donne un sel supplémentaire ! Mais dans son Manifeste pour une éducation féministe, Chimamanda Ngozi Adichie voit des présupposés du mot « princesse ». Elle ne dit pas lesquels.
- Je crois que je viens de compléter suffisamment le Manifeste de cette auteure, dont j’apprécie l’engagement féministe.
- Plus loin, elle met en garde les filles contre la galanterie, celle-ci étant, selon elle, un postulat de la faiblesse féminine.
- Gallantry ! Les sens apportés à galanterie pour les Américains, qui semble le même que les Anglais, me rappellent ces déesses Celtes qui étaient à la fois de l’amour et de la guerre. (par exemple Roth pour les Véliocasses)
Je crois même qu’il existe une Cross of Gallantry pour récompenser un acte de bravoure au combat. Cette association fait bien de la galanterie une phase de la conquête d’une femme, et de la faible femme une vaincue.
La galanterie française est beaucoup plus vaste, un jeu aux infinis nuances et ambiguïtés .
- Mais, Professeur, il y a jeu et jeu ! Le jeu peut devenir un harcèlement.
- … ?
- La petite fille qui joue dans sa chambre à se déguiser en Princesse est seule, tandis que la femme adulée comme une Princesse, ou qui se prête à la galanterie, « joue » à plusieurs !
- Dans un jeu, Axiothée, et celui là ne fait pas exception, il faut que les règles soient les mêmes pour tous les joueurs. C’est pour cela que je conseille à Chimamanda Ngozi Adichie de compléter son Manifeste pour une éducation féministe, par une deuxième partie destinée aux garçons.
- Joyeuses fêtes, Professeur.
- Joyeuses fêtes, Princesse Axiothée