Notre mémoire… protéique, ... Annexes
Vous pouvez aller consulter "Protéine" sur Wikipédia, dont j'ai utilisé plusieurs figures

... mais pour faire plus court, je reprends, en la complétant, la définition de Jean Rostand & Andrée Tétry sur la structure de protéines.
« Les protéines, … , possèdent quatre types de structures.

La structure primaire correspond à l’enchaînement des acides aminés ; ..
(par le groupe amine - bleu - d'un acide aminé avec le groupe carboxylique - rouge- de l'acide aminé suivant)
Les acides aminés se différencient par leur fonction latérale ( R jaune-brun sur le schéma)
Ceux qui constituent les protéines dit « acides aminés protéinogènes » sont au nombre de 20, auxquels il faut ajouter quelques acides aminés spécifiques de certaines protéines.


Pour la protéine de la figure, la structure primaire, est l'enchaînement de gauche à droite, de la méthionine Met; de la phénylalanine, Phe; de l'acide aspartique Asp; le l'alanine, Ala; etc.
Les protéines sont à la fois homogènes et hétérogènes.
- La chaîne constituée par l’enchaînement des liaisons peptiques est bien homogène,
- mais les fonctions latérales apportent une hétérogénéité qui différencie les protéines les unes des autres.
Les degrés supérieurs d’organisation permettent une
- certaine compartimentation de cette hétérogénéité (voir 11. Notre mémoire et l’écho ferroélectrique )
- qui place la majorité des fonctions latérales ( R ) hydrophiles (ou "polaires") à la périphérie et une majorité de fonctions latérales hydrophobes vers l’intérieur
... la même molécule de protéine renferme toujours le même nombre et les mêmes acides aminés, enchaînés suivant une séquence stable.
Ce « toujours » est loin d'être absolu, voir épissage alternatif ci-dessous
La structure secondaire est constituée par l’enroulement hélicoïdal de la chaîne polypeptidique,

Ces hélices sont nombreuses dans l’hémoglobine (voir figure tournante). Des structures plissées font également partie de la structure secondaire ainsi que des structures … non régulières conférées "seulement" par des angles de valence des acides aminés. Cette structure "sans structure" permet de relier entre elles les hélices et/ou les structures plissées, elle se retrouve en grande proportion dans les protéines protéiformes et en faible proportion dans les protéines de ... structure, comme les kératines.
La structure tertiaire est formée par les replis, souvent fort compliqués, des structures primaires et secondaires.
Enfin la structure quaternaire, existante chez diverses protéines, comporte l’association entre elles de plusieurs chaînes polypeptidiques ; elle aboutit à un édifice moléculaire. »

Une façon de se représenter cet édifice moléculaire est de malaxer dans sa main environ un ou deux mètres de laine à tricoter jusqu’à obtenir une boule … protéiforme. Vous pourrez à l'occasion aussi apprécier la plasticité de la boule de laine ainsi formée.
Or, la laine de mouton est justement constituée d'une protéine, la kératine
Parmi les protéines de la figure ci-dessous, la dernière à droite, la torique, est celle qui retiendra le plus notre attention
La conformation spatiale d'un protéine fonctionnelle n'est pas toujours (et même rarement) la plus thermodynamiquement probable.
La structure dite "native" d'une protéine est celle conférée par le système ribosomal au moment de sa synthèse .

La conformation spatiale d'un protéine fonctionnelle n'est pas toujours (et même rarement) la plus thermodynamiquement probable.
La structure dite "native" d'une protéine est celle conférée par le système ribosomal au moment de sa synthèse .
L’ADN code des gènes, et l’expression de ces gènes conduit à la synthèse de protéines.
Une fois la machinerie (ribosomiale ci-dessus) lancée, de nombreuses protéines, identiques à la première, sont fabriquées « à la chaîne ».
Le principe général selon lequel « une protéine = un gène » .... ne s'applique ni aux protéines du système immunitaire ni aux protéines mnésiques.
Pour ces systèmes, des protéines de différentes natures peuvent être exprimées à partir d’un seul gène par épissage alternatif


Certaines fonctions latérales des acides aminés constitutifs des protéines (la structure primaire) sont électriquement chargées.
Les fonctions latérales lysine, arginine et histidine présentent une charge cationique (charge positive +)
L’acide aspartique et l’acide glutamique présentent des charges anioniques (charge négative -)
Auxquels s’ajoutent la charge anionique et cationique des acides aminés placés en bout de chaque chaîne peptidique.
Ces charges, notamment celle de l’histidine, sont sensibles à l’environnement ionique, évidemment le pH local, mais aussi la présence d’ion bivalents comme le calcium, …
Une fois la structure quaternaire formée, un certain nombre de charges persistent et sont réparties dans l'espace différemment selon la nature de la protéine et sa conformation.

Schématiquement (en coupe) ci-contre, deux charges sont persistantes après l’assemblage de deux trios de kératine-1, kératine-10 et de filaggrin (voir Kératinisation et eau-comme-de-la-glace)
/image%2F2354072%2F20210510%2Fob_ff7b6f_capture-d-ecran-2021-05-10-102013-t.jpg)
La tropoélastine est une protéine précurseur de l’élastine, elle-même protéine de structure qui confère son élasticité au derme, aux vaisseaux sanguins, aux ligaments, à certains tendons, ….
La figure ci-contre représente les charges ioniques d'une des conformations de la tropoélastine.
Plus la couleur est bleue, plus la charge est négative, plus la charge est rouge, plus elle est positive, selon la gamme de couleurs ci-contre

La non coïncidence des barycentres des charges positives et négatives des protéines forment un champ électrique permanent. On parle aussi de polarisation naturelle.

Comparé à la molécule d’eau, qui a un champ électrique important (1,85 Debye), ...
Selon les fonctions qu'elles accomplissent dans les cellules, les protéines présentent une conformation rigide ou, au contraire, très flexible.
Voir Le désordre intrinsèque des protéines
La plasticité est une propriété mécanique essentielle des protéines. Les catalyses enzymatiques n’auraient pas lieu sans leur plasticité qui permet un changement de conformation qui elle même favorise la catalyse. La plasticité des protéines de mémoire pourrait bien jouer un rôle fondamental dans toutes les fonctions cognitives.

Le sens de plastique utilisé ici est proche de malléable, de déformable comme …
… l’argile façonnée par le potier
… ou un chewing-gum
Et un chewing-gum déjà mâché pourrait être une bonne représentation schématique d’une protéine plastique !
Si une protéine est plastique c’est que les atomes constitutifs de cette protéine bénéficient d’une certaine mobilité.
Cette mobilité n’est pas complète, les atomes d’une protéine ne sont pas libres. Ils ont leur place dans la structure spatiale de la protéine (voir structure des protéines),
Ces liaisons peuvent être
… très énergétiques comme les liaisons covalentes (comme celles des liaisons peptidiques qui forment la structure primaire des protéines) ou les liaisons ioniques dans un environnement hydrophobe (voir figure), etc.
… ou faibles comme les liaisons Hydrogène, les liaisons ioniques dans un environnement hydrophile, les liaisons entre zones hydrophobes, etc.
Toutes ces liaisons opposent une résistance au déplacement des atomes. L’intensité de la résistance est dépendante de la force (l’énergie) des liaisons.
Les liaisons fortes ne se rompent pas, elles limitent les déplacements, mais les atomes, groupes d’atomes peuvent effectuer des rotations autour de l’axe constitué par ces liaisons. Par ailleurs, les angles de valence (entre deux liaisons covalentes) ont une certaine flexibilité (élasticité)
Les acides aminés tournent librement autour des liaisons chimiques qui les maintient ensemble, ne restant jamais dans une conformation donnée plus d'une fraction de seconde. (elle forment des chaines entropiques)
Les liaisons faibles sont rompues facilement, pour, en général, se reformer avec des d’autres atomes voisins, y compris ceux de l’eau environnante, de molécules hydrophiles, d’ions libres, etc.
La plasticité correspond :
… à la résistance à la rupture, sous une force extérieure
… puis la rupture des liaisons faibles.
… puis à reconstitution d’une nouvelle forme.

Si les liaisons ne sont pas rompues et que, une fois que la force extérieure a cessé d’agir et que la protéine revient à sa forme initiale, on ne parle pas de plasticité mais d’élasticité, par exemple comme après s’être pincé la joue. Les protéines qui assurent cette élasticité sont des protéines de structure comme l’élastine et le collagène, elles sont plus élastiques que plastiques.
Comme chacun sait, ces modifications se font aussi sous l’action des muscles faciaux, et que l’élasticité ayant ses limites, des rides d’expression peuvent apparaître, mais c’est une autre histoire !

L’adolescent peut créer une nouvelle forme à son chewing-gum, mais il doit de nouveau faire agir ses dents et même son souffle s’il veut obtenir une bulle.
Aucune protéine n’est totalement élastique ou totalement plastique, l’élastine peut subir une déformation plastique (voir 12. Notre mémoire bioferroélectrique) et une protéine même très plastique possède aussi un module d’élasticité (voir sur la courbe d’hystérésis)
Pour éviter toute confusion avec les autres sens de plastique (par exemple : arts plastiques, bouteilles en plastique), les protéines sont qualifiées de « intrinsèquement désordonnées » ou « intrinsèquement non structurées »…
… mais j’ai préféré garder « plastique » (ou à chaîne entropique)
Certaines protéines sont moins plastiques, comme les protéines de structure (par exemple : l’élastine, le collagène), d’autres sont très plastiques, comme les protéines « de signalisation » et certainement les protéines de mémoire.
Ce changement peut avoir différents facteurs pour origine comme :

- un changement de son environnement, par exemple le taux d’eau comme-de-la-glace
- le voisinage d’une autre protéine et du vecteur électrique qui lui est associé
- un changement vers un environnement lipophile comme l’intégration, même en partie, de la protéine dans une membrane plasmique, par exemple celle des astrocytes. Ce changement est consécutif au passage depuis l’intérieur de la cellule (le cytosol) vers la membrane. Phénomène de translocation = translocalisation.
- tout autre champ électrique voisin, comme celui généré par le flux électrique neuronal.
- simplement du hasard ou la probabilité entropique. Ce qui fait entrer (déjà par cette porte) dans le domaine de la mécanique probabiliste.
La force extérieure peut être mécanique comme la main du potier, ou les mâchoires, elle peut aussi être celle d’un champ électrique, qui s’exerce sur les charges électriques de la protéine.

Et ce n’est certainement pas un hasard si les protéines les plus plastiques, les « intrinsèquement désordonnées » ou « intrinsèquement non structurées" représentent « plus de 70 % des protéines de signalisation des cellules du corps humain ».
comme par exemple les récepteurs hormonaux ou des récepteurs de neurotransmetteurs
ou encore comme les protéines de mémoire
La plasticité permet également, pour certaines protéines, des changements radicaux de conformation, c'est-à-dire la possibilité de passer d’une conformation« stable » X à une autre conformation également « stable » mais différente : Y,
par exemple :
- après phosphorylation (sur des fonctions latérales de sérine/thréonine).
- par fixation d’un effecteur (substrat, hormone, neuropeptide, effecteur allostérique, etc.)
- etc.
Chaque conformation X et Y a une plasticité qui lui est propre et son propre vecteur de champ ferroélectrique.


Le changement de conformation peut être réversible, ou irréversible.
Réversible quand vous faites couler une solution d’albumine comme celle du blanc d’œuf dans une tasse, irréversible si vous le chauffer pour le cuire ou si vous monter les blancs « en neige ».
La nouvelle structure, dénaturée, est aussi la plus thermodynamiquement probable.

In vivo, si le choc thermique n’est pas trop puissant, les protéines peuvent être réparées par des structures protéiques particulières, les protéines de choc thermique, les Heat shock proteins. Ces dernières peuvent aussi, comme chaperons, participer à former la « bonne » structure d’une protéine.

À la température de la vie (et même tant qu'elles ne sont pas cristallisées), les protéines se déforment spontanément avec une certaines probabilité (phénomène probabiliste).
Ces modifications structurales aléatoires sont fonction de la température et de l’environnement de la protéine. Ces déformations ne cessent que quand la protéine est cristallisée,
(même bien mâché, mis au réfrigérateur, un chewing-gum devient dur).
Toute protéine subit des modifications structurales aléatoires, probabilistes. C’est un peu ce rappelle les qualificatifs « intrinsèquement désordonnées » ou « intrinsèquement non structurées » utilisés pour les protéines les plus plastiques, comme doivent l’être les protéines de mémoire …
En considérant la structure quaternaire des protéines
- la non coïncidence des barycentres des charges négatives et positives crée un champ électrique (= une « polarisation naturelle ») permanent
- la plasticité des protéines fait que celles-ci sont naturellement ferroélectriques. Plus elles sont plastiques, ou « intrinsèquement désordonnées », plus la propriété ferroélectrique est marquée.
Le suffixe « ferro » n’est qu’une analogie avec le cycle de polarisation des matériaux ferromagnétiques. Certaines protéines, comme l’hémoglobine, contiennent du fer mais la ferroélectricité des protéines existe même sans fer !
Une substance est ferroélectrique si on modifie sa polarisation D en lui appliquant un champ électrique extérieur E

La valeur de cette polarisation, D, en fonction du champ appliqué, E, peut former une courbe d’hystérésis comme ci-dessus, donc chaque valeur correspond aussi à une structure spatiale différente de la protéine
D croit jusqu’à atteindre une valeur maximum Ds.
Si, ensuite, on fait décroître le champ électrique extérieur, la polarisation ne suit pas la première courbe.
Quand E redevient nul, la polarisation ne revient pas à sa valeur initiale mais à une polarisation Dr. « r » pour rémanente ou résiduelle, c'est-à-dire une polarisation qui est conservée après la disparition du champ extérieur.
La polarisation peut être annulée quand la protéine est soumise à un champ électrique Ec
En considérant, la structure de la protéine, Dr correspond à la forme donnée à l’argile par le potier quand celui-ci a fini son travail, ou au chewing-gum quand le mâchonnement a cessé.
Il est intéressant de comparer l’effet Bauschinger, du chapitre plasticité du cours de Mécanique du solide et des matériaux de Jean-Claude Charmet.
… ou « effet du patin à frottement sec »
Comme quand on pousse une lourde caisse sur un sol rugueux, il faut un minimum de poussée pour que la caisse commence à bouger, c'est-à-dire qu’il faut dépasser le seuil d’un « frottement solide » A, semblable à un « patin sec ». Ensuite, une fois la caisse en mouvement, une poussée plus faible suffit à la déplacer, segment AB -.
Dans une protéine, il faut un minimum d’énergie, un minimum de champ électrique, pour commencer à faire bouger les atomes (ayant une certaine liberté de mouvement), c’est la partie montante de la courbe d'hystérésis, ensuite ils se déplacent facilement, c’est la partie moins pentue, presque horizontale.
Bibliographie
Quelques études systématiques sur les propriétés ferroélectriques des protéines ont été publiées dans les années … 1950, et semblent presque avoir été complètement abandonnées depuis !

- Quand chercheur (très) débutant, je fus reçu par Jacques Monod dans son bureau de l’Institut Pasteur et que je lui exprimais mon intérêt de biophysicien pour la ferroélectricité des protéines, le Prix Nobel me demanda avec beaucoup de civilité si un autre sujet m’intéressait.
- Ma connaissance de la ferroélectricité des protéines, je l’avoue, est restée conceptuelle.

L' étude sur la ferroélectricité de l’élastine demeure une exception que je détaille dans
03. Notre mémoire ferroélectrique.