IA.10.05 : Suite et fin-ances. Salaires et pigeons
- La base d’une pyramide de Ponzi camouflée est une faible rémunération des cadres primo entrants.
- Cette pratique des « salaires de misère » est très générale dans les startups, ou l’était.
- Les fondateurs peuvent également s’attribuer un très faible salaire.
La lecture des extraits de l’article de Kaushik Basu soulève le voile qui recouvre certaines pratiques et fait apparaître un type de Pyramide de Ponzi camouflé, et différent du système utilisé par Madoff.
La base en est la faible rémunération des cadres primo entrants (ceux qui ont été les derniers à avoir été embauchés). Faible rémunération « compensée » par l’octroi de parts de la société, et la promesse d’un futur florissant dont les cadres sont présentés comme responsables.
La Pyramide fonctionne tant que de nouveaux cadres sont embauchés ; les plus anciens, et le propriétaire se partageant une part substantielle des bénéfices pendant l'exercice (s'il y en a) ou à la revente.
Les indices sont presque évidents et découlent de l’article de Kaushik Basu :
Il suffit de comparer les salaires des ingénieurs primo entrants
- d’une part avec les salaires versés par des sociétés comparables.
- d’autre part avec ceux des anciens et du, ou des, fondateurs.
Ces informations constituent un minimum de ce que doit connaître tout nouveau candidat à l’embauche ou tout nouvel investisseur. Je ne suis pas certain que ces informations soient faciles à obtenir pour toutes les sociétés.
Si dans les deux cas la réponse est : très inférieurs ; Il est probable que l’entreprise étudiée camoufle un système de Ponzi.
Et si seulement une des deux comparaisons donnait : « très inférieur » ?
Étudions chaque cas séparément
Analyse de la première question
Le salaire des primo entrants est-il très inférieur à ceux versés par des sociétés comparables ?
Nous nous apercevons que ces pratiques sont habituelles et même conseillées.
Par exemple :
Willy Braun pour Paris Innovation Review indique dans la rubrique Salaire
La meilleure façon d'établir le salaire de base est de regarder ce que font les sociétés comparables. La première année, vous pouvez attirer de bons professionnels avec un salaire inférieur au plafond de marché si vous compensez correctement avec des actions.
Pour Frederic Canevet dans
Les 10 types de financements pour réussir une start up ! … légitime les faibles salaires comme un financement de l’entreprise et une motivation.
Généralement, ils [Les nouveaux co-fondateurs ou salariés fondateurs] n’apportent pas de l’argent, mais du travail (avec un salaire moins élevé que le marché ou avec un investissement temps plus fort [10 à 12 heures par jour chez Tesla !]).
Parfois il peut être intéressant de leur laisser investir un peu dans votre entreprise en échange d’actions, afin de les motiver à s’investir dans votre entreprise (encore une fois avec des droits de vote très limités).
Cette technique permet de fidéliser les salariés stratégiques de l’entreprise.
L’avertissement de Vivianah Simon dans son article Quel salaire en start-up ?
« L’idée reçue voulant que les start-ups paient leurs salariés un salaire de misère est donc fausse car ces chiffres sont peu ou proue équivalents à ceux des grands groupes ! »
… confirme bien que ces salaires « de misère » existent dans certaines startups ! Celles qui pourraient former des bulles.
Chez Tesla, en octobre 2018, dans les avis sur l'entreprise, un salarié donne
... comme points positifs la distribution de stock options indexés sur la future voiture électrique (et le café gratuit)
… et comme points négatifs : l’incapacité de progresser autant qu’il le voudrait.
… et n’attribue que 3/5 comme note à Tesla
Contrairement à l’analyse de Kaushik Basu, ce n’est pas uniquement l’attrait de la distribution des options sur titres qui attire les jeunes ingénieurs, mais aussi
- la renommée de l’entreprise. Plus elle communique avec succès, plus la renommée est haute.
- travailler pour une start up, surtout si elle est californienne, est socialement très valorisant. L’évolution des dinosaures en oiseaux volants nous a montré l’éternelle puissance du Paraître, et nous en verrons d’autres.
- « nourrir » le curriculum vitae. Pour beaucoup, commencer sa vie professionnelle d’ingénieur dans une jeune-pousse est considéré comme un apprentissage très formateur.
Analyse de la deuxième question
Le salaire du salarié primo entrant est-il très inférieur à ceux des anciens et du, ou des, fondateurs ?
Si le salaire annuel d’Elon Musk en mars 2018 était de 56 milliards de dollars (maintenant il doit se contenter d’un intéressement) dans beaucoup de jeunes-pousses, le fondateur ne se rémunère qu’avec un minimum de salaire mais incorpore le reste de son travail dans les apports personnels.
Remarque : comme pour Apple, ou Google, le fondateur est souvent rapidement rejoint par un deuxième fondateur
Ces patrons qui se sous payent ont été connus du grand public en 2012 à la suite à la révolte des Pigeons en opposition au projet de taxation sur la revente d’entreprises.
Jean-David Chamboredon et Olivier Jay en avaient fait un livre : Génération pigeons.
Pour reprendre les propos de Kaushik Basu : Il est possible qu’une pyramide de Ponzi apparaisse spontanément, et même inconsciemment, simplement quand les anticipations des uns nourrissent celles des autres ; anticipations lointaines et aléatoires quand le fondateur ne se rémunère que d’un salaire de misère et qu’il convainc ses salariés de faire de même, et de risquer d’être tous des pigeons
Mais pour se développer et acquérir de la valeur, une entreprise recherche non seulement des salariés mais aussi des investisseurs
Jules Chéret La pantomime
- Comme les ingénieurs primo entrants, les investisseurs peuvent être tentés par les jeunes-pousses, voire des "licornes", affichant l’Intelligence artificielle et tous ses fantasmes.
- Les quantités de monnaie disponibles dans le monde sont fabuleuses, un petit pourcentage est suffisant pour rêver de fantastiques profits, et justifier d’habiller d’Intelligence Artificielle tout outil numérique
- Les banquiers commencent à transformer l’accélération de la médiatisation de l’Intelligence Artificielle en produits financiers