Les obstacles à l'innovation
Parmi les multiples obstacles à l’innovation, l’ultra-conservatisme, (celui des Régnants) subi ou voulu, figure en tête.
Les plus grandes avancées de l’innovation se font souvent « en perruque ».
La liberté d’innover est encouragée par Google. C'est un exemple qui semble difficile à suivre, par contre pourquoi ne pas appliquer la politique du laisser-faire
Un Conquérant est innovant. Mais être à la fois Conquérant et Régnant demande une certaine dose de schizophrénie.
Une très large pluridisciplinarité est une excellente façon de contourner les obstacles.
Comme accepter le flou, accepter le paradoxal sont d’abord des obstacles conceptuels
Sont indiquées en Annexe, Les obstacles à la recherche d’un traitement contre la « maladie d’Alzheimer »
Cet article demanderait d'être repris et augmenté, notamment par les obstacles apportés par les Publications et les Brevets
Dans les différents articles sur notre mémoire gliale, protéique, plastique et ferroélectrique j’ai pointé plusieurs voies de recherche qui sont restées en jachère …
… depuis plus de trente ans comme le rôle des astrocytes ou la logique floue appliquée aux sciences cognitives
… voire complètement ignorées comme la ferroélectricité des protéines.
"Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique" Gaston Bachelard
Les laboratoires de recherches sont davantage peuplés de Régnants que de Conquérants, et contrairement à ce que pourrait croire le « grand public », dans des proportions qui doivent être assez semblables à celles du reste de l’humanité.
Si le très humain confort de la routine est le premier obstacle à l’innovation, elle tourne le plus souvent à l’ultra-conservatisme.
Ultra-conservatisme dont l’origine est principalement la (légitime ?) priorité donnée par
tous les directeurs de recherche,
aussi bien du secteur public que du secteur privé, aussi bien dans la recherche « fondamentale » que dans le recherche « appliquée »,
à la recherche de financements pour leurs laboratoires de recherche au détriment de la recherche de recherches originales/innovantes.
Et, j’ajoute, que cette recherche n’est possible qu'une fois que le directeur de recherche a achevé toutes les taches administratives (décuplées par le contrôle a priori) qui le contraignent !
En réalité, et heureusement, beaucoup de chercheurs travaillent discrètement en utilisant leurs crédits de recherche à autre chose que ce à quoi ils devraient être utilisés.
L’objet ainsi produit le plus célèbre dans l’Histoire de l’Humanité est certainement le premier Spoutnik que Sergueï Korolev mit en orbite en utilisant une fusée expérimentale, sans en avertir sa hiérarchie.
La discrétion cessa quand la Terre entière entendit le bip-bip à chaque passage du Spoutnik.
C’est la presse internationale, notamment la presse étasunienne (nous étions en pleine Guerre froide) qui évita au génial ingénieur de finir dans les geôles du KGB. Pour faire bonne mesure, l'Académie des sciences soviétique attribua le premier satellite artificiel de la Terre à Leonid Sedov, décrété « père du Spoutnik »
... et les États Unis se lancèrent dans la course à la lune.
Si quelques grandes inventions sont le fait d’un hasard, bien observé, la plupart des innovations sont sorties d’un "coin" de paillasse.
En langage populaire on dit « en perruque », en référence aux coiffeurs qui jadis, alors qu’ils n’étaient pas barbiers-perruquiers, confectionnaient discrètement des perruques … en utilisant les cheveux qu’ils venaient de couper
La remarquable exception est Google qui ...
encourage ses employés à consacrer 20% de leur temps de travail, à faire autre chose que ce pour quoi ils sont payés.
La force durable de Google pourrait bien être cet encouragement. Les employés de Google ne sont pas obligés de se cacher pour innover ! …
Bien entendu, donner cette liberté aux salariés c’est plus facile à dire qu’à faire. Il est impératif qu’elle fasse partie de la culture de l’entreprise, elle ne s’improvise pas.
En écho à l’analyse de Rémi Sabouraud parue dans ADN (Nouveau métier : facilitateur d’idées)
« À l’école puis en entreprise, on t’apprend à respecter la hiérarchie, l’ordre établi, à ne pas sortir du rang. Et puis d’un coup, tu arrives en réunion, et on te dit : "vas-y, lâche-toi ! Sois créatif !" Ça ne peut pas fonctionner. »,
Imaginons que pendant une journée par semaine le salarié soit encouragé à faire « autre chose », par exemple le vendredi qui, dans beaucoup d’entreprises, est la journée décontractée.
Les baskets aux pieds et la cravate abandonnée ne font pas un Rebelle.
Il serait un Rebelle contre lui-même, contre le Régnant qu’il a été pendant le reste de la semaine. Pour être un Conquérant innovant il faut obligatoirement passer par la case rébellion.
Certes, nous avons tous en nous à la fois du Rebelle/Conquérant et du Régnant mais il paraît difficile de passer de l‘un à l’autre sur commande, ou en changeant juste de tenue vestimentaire.
Même si la liberté d’innover fait partie de la culture de l’entreprise, pour être créative cette liberté demande une certaine aptitude à superposer de tendances contradictoires, c'est-à-dire une certaine dose de schizophrénie.
Ce qui amène une autre question : tout le monde peut-il être schizophrène ? Il paraît que les génies le sont un peu plus que les autres Homo sapiens.
Par exemple, le Prix Nobel d’économie John Nash, dont les tourments schizophréniques ont été portés à l’écran dans Un homme d’exception
Peut être que le plus pragmatique serait la politique du laisser-faire, fermer les yeux, plus exactement être plastique sur les recherches effectuées discrètement « en perruque », car ceux qui s’y lancent savent gérer naturellement leurs tendances contradictoires.
Il conviendrait juste de veiller, tout aussi discrètement, que c’est bien à l’entreprise que ces innovations profiteront
Ajoutons qu’innover, c’est aussi (surtout ?) avoir la liberté, et l’humilité, de se tromper ! (voir § Accepter le paradoxal). Selon le principe éducatif du même Gaston Bachelard, il faut apprendre de ses erreurs.
Non seulement l’obstacle du droit à l’erreur est difficile à franchir, mais son interdiction a été gravée dans le marbre de la Constitution française par le Principe de précaution !
La créativité est aussi une question de culture. Plus la culture est large, en dehors de sa propre spécialité, plus l’innovation émergera facilement.
La culture de chacun étant limitée, comme j’y ai fait allusion dans l’article Notre mémoire gliale, protéique, plastique et …ferroélectrique, une autre façon de contourner les obstacles est de rendre les équipes vraiment et largement pluridisciplinaires.
Mais là encore, il est tellement plus confortable de rester dans sa tour d’ivoire !
Ce n’est pas en multipliant le nombre de laboratoires de recherche sur le même sujet et dans la même direction (comme c’est le cas pour la maladie d’Alzheimer) que l’innovation progressera mais bien en créant des équipes largement pluridisciplinaires
Les meilleurs « facilitateurs d’idées » des réunions de créativité sont ceux qui vont élargir la culture du groupe. Pour franchir les différents obstacles de Bachelard il serait pertinent d’ajouter quelques d’invités, peut-être des seniors, certainement un philosophe.
Il s’agit là d’un obstacle conceptuel (également caractéristique des Régnants).
Plusieurs fois, et ce n’est pas fini, j’ai évoqué l’obligation de franchir l’obstacle du classique pour accepter le quantique, ou une physique qui pourrait être propre à notre cerveau et plus généralement à la ferroélectricité.
Au niveau conceptuel, la biologie en est encore au stade de la rivalité entre Pasteur et Pouchet sur la génération spontanée. Cette dernière, était « de gauche » et soutenue par des grands ténors politiques avec à leur tête le jeune Clémenceau (le même que le futur « père de la victoire »). Plus tard Clemenceau reconnaîtra de "bonne grâce" son erreur.
C’est approximativement à la même période que Marcellin Berthelot, alors Ministre de l’Instruction publique, appuyé par ses amis positivistes, Auguste Conte et Ernest Renan, fit interdire l’enseignement des statistiques en argumentant que la Nature ne peut pas être incertaine.
Plus tard Einstein dira que la Nature/Dieu ne joue pas aux dés. Un génie peu se tromper ce qui ne l’empêche pas d’être un génie, bien au contraire ! surtout s’il admet plus tard son erreur.
Il est certain que tant que les biologistes ne passeront pas l’obstacle de la biologie déterministe pour aborder la biologie probabiliste, la biologie ne progressera qu’à l’allure des diligences même si celles-ci sont de plus en plus perfectionnées.
Il y a de temps en temps des tentatives vers une biologie probabiliste, mais elles retombent comme un soufflé à la sortie du four.
Par exemple :
L'expression des gènes : la révolution probabiliste de Jean-Jacques Kupiec Publié en 2005
Le hasard a longtemps été absent de la génétique et de l'embryologie, deux domaines « trop humains » pour laisser une place à l'aléatoire : ce n'est plus le cas, l'expression des gènes et la mise en place de structures organisées n'obéissent pas nécessairement à des processus déterministes.
- la thèse de Romain Yvinec soutenue en 2012, à ma connaissance, complètement ignorée : Modélisation probabiliste en biologie cellulaire et moléculaire
J’ai également signalé les travaux de Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein sur le facteur malchance du cancer
Certaines « glandes photosensibles » de l’œil, au moins chez le rouge gorge migrateur, servent à s’orienter (voir Île.89 : Quantique ?)
La mécanique quantique saura-telle bientôt « expliquer » d’autres réactions biologiques à commencer par la photosynthèse ?
puis continuer par les fonctions mnésiques.
Et pour finir, dans le site actif des enzymes.
La biologie se situe-t-elle à la limite entre le classique et le quantique ? Je le subodore, cette position particulière expliquerait que ce qui est théorisé à partir du macroscopique ne se retrouve que rarement à l’échelle moléculaire.
Un processus biologique simple pour effectuer le passage classique/quantique pourrait être de modifier le nombre d’atomes/molécules mises en jeu. Je pense, par exemple au nombre de récepteurs présents à la surface membranaire, dont le nombre varie par translocation depuis le cytosol cellulaire.
L’ultra-conservatisme qui gouverne les Laboratoires montre sa puissance de nuisance dans l’exemple de la recherche contre la « maladie d’Alzheimer ».
Le premier obstacle est le « la » unitaire, alors qu’il existe une variété de cette maladie qui demanderait un traitement personnalisé …
…ou dit « de précision » car le terme « personnalisé » horrifie le principe d’égalité républicain des Régnants. Ce n’est pas un fantasme, cet obstacle a réellement retardé pendant une décennie, peut être deux, le développement et la mise sur le marché de plusieurs traitements personnalisés contre le cancer !! mais c’est une autre histoire, trop longue pour cet article)
Oui, les maladies neurodégénératives sont multiples, autant que les démences qu’elles provoquent.
Parmi leurs origines, il conviendrait d’ajouter le rôle des statines (médicaments destinés à faire décroître le taux sanguin de cholestérol y compris dans le cerveau, or le manque de cholestérol dans ses membranes plasmiques et ses gaines de myéline peut lui être fatal)
Voir Le secret gras des centenaires
Bien que cela n’apparaissent pas dans la liste officielle des effets secondaires, les statines peuvent provoquer des maladies neurodégénératives semblables à celles observées dans « la » « maladie d’Alzheimer », et des démences pouvant conduire au suicide.
Le second obstacle est une vénération à un seul dieu, ici le neurone ; dieu ingrat car les recherches de médicaments contre les maladies neurodégénératives ciblés vers les neurones dieu se sont révélées toutes vaines.
Résultats : « Durant ces 15 dernières années, 400 essais cliniques visant des traitements médicamenteux de la « maladie d’Alzheimer » ont été enregistrés, avec un taux d’échec avoisinant les 100 % ! »
Voir aussi Notre mémoire gliale
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Le cerveau gère des « objets cognitifs »
Le cerveau compare des « objets cognitifs » dans un dialogue
Ces « objets » sont plastiques et flous, et la plupart correspondent à des mouvements.
La coordination de toutes les comparaisons entre les "objets cognitifs" dans une agora neuro-astrocytaire permet au cerveau de prendre une décision, éventuellement après une nouvelle analyse.
La logique floue (fuzzy logic) pourrait être un bon outil pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et créer une Intelligence Biophysique.