Jeûne. Euphorie, Réseaux coopératifs et Hormèse
- Aux bienfaits du jeûne sur le cerveau, s’ajouteraient chez Homo sapiens des vertus sociales qui favoriseraient le renforcement, dans l’euphorie, des réseaux coopératifs.
Euphorie et réseaux qui ont aussi pu accroître son auto-domestication
- Les végétaux amers sont des mimes de restriction calorique, d’une activité physique.
- Les récepteurs à l’amertume sont-il en relation avec les activités cognitives ?
- Les effets bénéfiques de ces mimes se produisent à des doses hormétiques (hormesis)
Comme dans les articles précédents, les citations sont en violet, ainsi que les liens avec des documents extérieurs.
Les liens vers de précédents articles de Beauté, Biologie et Philosophie sont en bleu et soulignés
Le nouvel article sur le jeûne paru dans le dossier consacré aux Lois naturelles de l’alimentation. Trouver l’équilibre grâce aux neurosciences, de Cerveau & Psycho me donne l’occasion de continuer ma promenade parmi « Amertumes, Mimes et Beauté »
… et, comme Ulrike Gebhardt, de revenir sur le jeûne.
Le titre de l’article, autant que la photographie de couverture sont évocateurs : Le jeûne : le retour à la nature.
Le résumé est sans surprise
« Notre corps semble fait pour observer de longues périodes de restriction calorique, allant de 12 heures à plusieurs jours.
Tels sont les résultats des récentes recherches en physiologie de l’alimentation. Avec, à la clé, une meilleure santé du corps, mais aussi un cerveau plus jeune et plus performant. »
… au moins chez l’animal
« que l’on fait jeûner une partie du temps »,
L'interrogation du dernier paragraphe relativise la portée de ces résultats : « Des résultats transposables de la souris à l’homme ? »
Finalement, chez Homo sapiens, les seules observations citées concernant les neurosciences (celles de Lucia Kerti et ses collègues de l’hôpital de la Charité à Berlin) portent sur une altération de l’hippocampe par un excès persistant du taux de glucose sanguin, comme c’est le cas pour le diabète de type II (diabète "gras") qui est censé être évité par des jeûnes, plus exactement par une restriction calorique .
Restons quand même sur l’idée développée par "Mark Mattson, que jeûner est bon pour le cerveau. À la fois en optimisant le fonctionnement de nos neurones et en protégeant contre les maladies neurodégénératives. »
Si l’article d’Ulrike Gebhardt n’apporte pas vraiment d’éléments nouveaux, pourtant deux phrases (quasi indépendante du reste du texte) méritent d’être commentées et me donne l'occasion de continuer la promenade commencée avec, justement, Mark Mattson
Ces deux phrases sont :
- Dès que l’approvisionnement en ressources alimentaires se fait difficile, le cerveau enclenche un mode euphorique qui fait en sorte que l’individu devient plus actif et tourné vers son environnement, et ne se replie pas sur lui-même, ce qui lui serait fatal, …
… étudiée dans les chapitres L’individu et son environnement et Mimes
- la restriction alimentaire augmenterait nos capacités de résistance un peu comme le fait le sport. Ce type d’effet, dans lequel des influences a priori hostiles produisent des effets bénéfiques, est connu sous le nom d’hormèse, un terme dérivé du grec, signifiant stimulation ou impulsion.
… étudiée dans le chapitre Léger stress et hormèse
- Dès que l’approvisionnement en ressources alimentaires se fait difficile, le cerveau enclenche un mode euphorique qui fait en sorte que l’individu devient plus actif et tourné vers son environnement, et ne se replie pas sur lui-même, ce qui lui serait fatal, …
« Dès que l’approvisionnement en ressources alimentaires se fait difficile, … l’individu devient plus actif… »
Cette activité supplémentaire se conçoit aisément, elle permet de chercher activement des ressources alimentaires, pour cela ...
« … il se tourne vers son environnement ». Effectivement, ce qui a fait la force évolutive d’Homo sapiens a été de chercher d’autres ressources alimentaires, c'est-à-dire de varier ces ressources alimentaires dans le nouvel écosystème auquel il était confronté (nouveauté qu’il a subie à la suite d’un changement climatique, ou voulue par une migration expansive, par une conquête par des Conquérants) …
Cette recherche de nouvelles ressources alimentaires oppose Homo à d’autres primates qui ont fini leur évolution. Par exemple, le chimpanzé ou l’orang-outan ne survivent pas si leur forêt disparaît et avec elle la nourriture qu’elle contient.
Cette aptitude à rechercher et à consommer des nourritures nouvelles et variées se retrouve justement – côté négatif, comme facteur de risque d’obésité ( ? ) - dans un article du même dossier de Pour la Science : « Comportement alimentaire : nés pour s'auto-réguler »
« …cette motivation [à manger] réapparaît vite si un aliment ayant de nouveaux caractères sensoriels (une texture ou une saveur différente par exemple) nous est présenté. C'est ce qui explique l'existence du repas à la française, une succession de mets, chacun entamé avec autant d'appétit, même le dessert. »
Le repas "à la française" serait donc une lointaine persistance de notre capacité à devenir plus actif pour nous procurer de la nourriture dans un environnement nouveau !
Je ne suis pas loin de penser que « le cerveau enclenche un mode euphorique » à l’apparition de chaque nouveau plat !
Il faut aussi noter, et c’est important pour la suite, qu’un repas "à la française" est obligatoirement convivial, partagé avec des commensaux. …
Surprenant et même contre intuitif : celui qui jeûne, celui qui a faim, ne devient pas hargneux mais, d’après Ulrike Gebhardt, son cerveau « enclenche un mode euphorique ».
La lecture de la suite de l'article nous éclaire sur cette curieuse euphorie dans le sens où « … [celui qui jeûne] ne se replie pas sur lui-même ». :
Donc il se rapproche de ses congénères, ce qui est une autre façon de « se tourner vers son environnement ».
Jeûner en groupe est une pratique du yoga, à laquelle des randonnées peuvent associées, (pour oublier sa faim),
… qui sont des façons de ne pas se replier sur soi-même
En dehors de ces groupes organisés autour du jeûne, intuitivement encore, nous imaginions que celui qui a le ventre creux allait devenir égoïste, qu’il allait essayer de s’approprier de la nourriture, qu’il garderait pour lui tout seul.
Ulrike Gebhardt nous dit au contraire qu’il « ne se replie pas sur lui-même » et ajoute : « ce qui lui serait fatal, … »
Ce « fatal » mérite quelques développements et commentaires.
En quoi serait-il fatal à cet Homo sapiens non altruiste de se replier sur lui-même ?
L’altruisme est total entre les membres de la famille nucléaire (les deux époux et leurs enfants encore « à charge »). Le père et la mère nourrissent leurs enfants en priorité, avant eux-mêmes.
Même s’il existe des exceptions, ne doutons pas de cet altruisme
(symbolisé par le père pélican nourrissant ses petits avec sa propre chair),
sans cet altruisme, le couperet de la biologie de l’évolution serait tombé et Homo sapiens n’aurait pas existé !
Pour les degrés supérieurs d’organisation sociale, il faut considérer une communauté comme des réseaux, basés sur le principe :
« Je partage ma nourriture avec toi en toute confiance car je sais que quand l’approvisionnement sera difficile, tu partageras ta nourriture avec moi ou avec quelqu’un d’autre de notre communauté. »
Le « ou avec quelqu’un d’autre » est fondamental car c’est ainsi qui se crée le réseau, c'est ce comportement qui fait passer du groupe au réseau coopératif. Les Homo sapiens ne forment pas seulement un groupe, ni un troupeau, mais un réseau coopératif.
Il est vrai qu’un « mode euphorique » est préférable pour enclencher un tel partage !
Mais il est vrai également qu’un comportement égoïste ne serait peut être pas fatal à un individu, mais qu’il serait fatal à son espèce ; ...
... sans coopération, là encore, le couperet de la biologie de l’évolution serait tombé, sa communauté aurait disparu et Homo sapiens avec elle.
La sélection naturelle n'a gardé que les Homo constitués en réseau coopératifs
Le nombre d’individus participant à ce réseau semble crucial, il n’était seulement qu’une dizaine pour Homo neandertalis tandis que pour H. sapiens, il était compris entre cent cinquante et trois cents ... nombre qui persiste chez nous.
Le nombre n’est pas le seul facteur évolutif du réseau coopératif, la diversité est indispensable. Si tous les individus étaient identiques, comme dans un troupeau, aucun n’apporterait de « progrès » à l’autre.
Encore en termes de biologie de l’évolution, c’est la diversité des Homo sapiens qui a permis une évolution au réseau coopératif. Il y a plus de Rebelles/Conquérants, chez les Homo sapiens que chez les autres espèces !
Les « réseaux sociaux » d’Internet vont-ils suivre la biologie de l’évolution en devenant des réseaux coopératifs ? Il semble que ce soit la tendance effective !
Le jeûne peut aussi permettre de se rapprocher du divin, comme y parviennent les mystiques, et avoir des effets neurobiologiques. Voir à ce propos Une aire cérébrale de la transe mystique,
... pour lequel je pense, à propos de Paul de Tarse - qui deviendra Saint Paul - que celui-ci n’a pas fait une crise d’épilepsie mais un AVC, qui a provoqué chez lui le syndrome du savant acquis, voir Du génie par accident. mais ce sont d’autres histoires !!!
Sont-ce des jeûnes, subits ou choisis, qui ont modifié le cerveau d’Homo
- et ont provoqué le besoin impérieux pour Homo sapiens de domestiquer le loup, la chèvre, l’oie, etc. … et aussi le blé, le riz, etc.
Domestication qui devait conduire à la domestication d’Homo sapiens lui-même
- et ont provoqué le besoin tout aussi impérieux des Homo sapiens domestiqués de se choisir un Maître (voir § précédent) ? d’abord des bisons, des lions, … puis des taureaux, puis des dieux hiérarchisés à l’image de ses sociétés, puis enfin un seul dieu universel. »
Voir L’Homme domestiqué [fatigué], Nietzsche et les dieux)
Pour en revenir au repas « à la française », celui-ci est souvent précédé d’un apéritif, et, en anticipant le chapitre suivant, cette boisson est souvent composée avec des végétaux amers
L’amertume de ces apéritifs serait-elle destinée à prémunir contre des bactéries pathogènes contenues dans des mets un peu avariés ?
En activant les Récepteurs à l’amertume du tissu épithélial, les substances amères pourraient déclencher la production d’oxyde nitrique destructeur de bactéries, et de virus, par la Forteresse active du système immunitaire fixe
La phrase de l’article d’Ulrike Gebhardt : « la restriction alimentaire augmenterait nos capacités de résistance un peu comme le fait le sport. » nous ramène aux travaux de Mark Mattson, auxquels Gebhardt fait de nombreuses références
… et à un article du même Mattson sur « Les bienfaits des toxines végétales sur le cerveau » paru dans Pour la Science en janvier 2017 (Scientific America 2015)
… dans lequel, l’auteur explique que : « [Le] léger stress [produit par les végétaux amers] au sein des cellules de l'organisme [est] le même que celui qui se produit lorsque nous jeûnons ou pratiquons une activité physique. »
Cette analogie entre l’amertume, d’une part avec un jeûne et d’autre part avec une activité physique m’a servi de fil conducteur à une longue promenade dans Amertumes, Mimes et la Beauté
… et m’a conduit à considérer les végétaux amers comme des Mimes de restriction calorique, ou des Mimes … d’activité physique
Mark Mattson avait su restreindre son champ de recherche aux épices, légumes et fruits à la fois consommés par Homo sapiens, et dont l'amertume est appréciée par celui-ci, ...
... (au moins chez l’adulte, car l’enfant rejette un aliment amer)
....
...apprécié et provoquant un léger stress, par exemple un aromate comme le curcuma, et aussi le piment, le brocoli, le thé, le café, le raisin, la pomme, la myrtille, etc.
Puisqu’ils sont appréciés, ces légers stress du cerveau aurait-il également un effet non seulement bienfaisant mais aussi agréable ?
Ces stress actionneraient-ils des circuits cérébraux du plaisir ?
Tout aussi efficace que le jeûne, ces végétaux amers auraient-ils favorisé la coopération entre les Homo, c'est-à-dire encourager les individus à ne pas se replier pas sur eux-mêmes ?
Nous retrouvons les apéritifs conviviaux
Je ne sais pas si le brocoli, le café ou la myrtille provoque une certaine euphorie mimant celle du jeûne, … à moins que cette euphorie soit celle de la convivialité.
La pause café tiendrait plus aux vertus de la convivialité qu'à celle du café en tant que mime de restriction calorique !
Les substances amères sont également des Mimes d’infection bactérienne, leur étude fera l’objet d’une prochaine promenade
Les soupçons sur L’origine inflammatoire de la dépression laissent présumer l’existence de relations entre le cerveau et les réactions immunitaires,
... le cerveau possédant des récepteurs à l’amertume, ...
... ces relations seraient-elles plus marquées quand les réactions immunitaires proviendraient des récepteurs à l’amertume ?
Qu’en est-il d’un « léger stress [produit par les végétaux amers] »
Dans leur article, L’amertume, sentinelle du système immunitaire, Robert Lee et Noam Cohen citent les humulones et les lupulones , du houblon ; les isothiocyanates des légumes verts tels que les choux de Bruxelles ; la limonine des agrumes, le principe amer de l'absinthe, …
« [Le] léger stress [produit par les végétaux amers] au sein des cellules de l'organisme » nous ramène à la phrase de l’article d’Ulrike Gebhardt; qui mérite quelques explications :
« la restriction alimentaire augmenterait nos capacités de résistance un peu comme le fait le sport. Ce type d’effet, dans lequel des influences a priori hostiles produisent des effets bénéfiques, est connu sous le nom d’hormèse, un terme dérivé du grec, signifiant stimulation ou impulsion. »
L’hormèse, ou hormesis, évoquée par Ulrike Gebhardt, est une notion contre-intuitive de toxicologie beaucoup complexe que « stimulation et impulsion ».
L’hormèse est la propriété de certaines substances toxiques (pas toutes ! voir courbes rouges) d’avoir un effet « bénéfique » à des faibles doses, par exemple la digitale.