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Publié par Jean-Pierre FORESTIER

Le shampooing fait partie de partie de la Cosmétique moussante, parallèlement à la Cosmétique blanche (les crèmes …) et à la Cosmétique décorative (rouge à lèvres, fond de teint, poudre, ...).
Comme les autres produits cosmétiques il permet de se « mettre en beauté »)

 

Les ouvrages sur le shampooing ne sont généralement qu’une liste des ingrédients qu’il contient. Or ce qui fait un Shampooing, c’est l’art de la Chimie de formulation (pour la distinguer de la Chimie de synthèse, …), dont la puissance en plusieurs décennies a permis de créer de véritables chefs-d’œuvre.
 

C’est cet art que j’ai voulu montrer dans cette série d’articles.

Comme dans tout projet, il convient de commencer par une analyse, analyser à quoi sert le Shampooing.

Son substrat est le cheveu et plus encore la chevelure.

L’analyse porte aussi/surtout ce que sa Majesté le Consommateur attend de son Shampooing. La réponse est simple, le Consommateur ne veut pas se laver les cheveux (ses cheveux ne sont pas sales !)

… mais veut pouvoir se coiffer selon les tendances du moment.

Or celles-ci ont changé au cours de l’histoire des mentalités. Les Formulateurs ont su s’adapter à ces évolutions.

Aujourd’hui les cheveux des femmes sont libres, symbole de l’affirmation de leur liberté.

Pour obtenir la coiffure recherchée, le Formulateur a su incorporer des « conditionneurs », qui semblaient incompatibles avec les autres ingrédients du Shampooing.

Mais ce ne sont pas ses seules exigences, dès les premiers shampooings, sa Majesté a voulu aussi de la mousse, de la mousse abondante, crémeuse et onctueuse, qui se rince facilement.

Pour satisfaire la demande de « Douceur » dans ce monde brutal, le Formulateur a usé de la puissance de son art pour créer des synergies qui permettent d’allier la « Douceur » à la mousse et à la coiffure recherchée.  

 

Ce n’est pas encore suffisant, le Shampooing doit aussi être agréable à utiliser, sa viscosité fait partie de cet agrément. Là encore, la puissance de la Formulation a été mise à contribution.

 

Parfois, trop souvent, certains pour se hisser du col dans les médias, dénoncent la toxicité de certains ingrédients du Shampooing. Leurs propos montrent leur parfaite ignorance de la notion de dose toxique, ou efficace, de la pharmacologie

et que c’est la formulation complète qu’il faut considérer

 

Pourquoi se laver les cheveux avec un shampooing ?

… sont la chevelure, le cheveu, la cuticule et la séborrhée.

Ces deux derniers étant à la périphérie du cheveu, ils se trouvent être les premiers substrats sur lesquels s'exerce l'action du shampooing.

Historiquement, il convient d'ajouter le cuir chevelu.

 

 

L'ensemble de la chevelure comporte entre 100 à 150 milliers de cheveux, représente une surface de 4 à 8 m2 à couvrir de shampooing. Cette large surface justifie, au moins en partie, les grandes concentrations en surfactifs utilisées dans les shampooings.

 

… est formé de la tige pilaire

 

 

et des cuticules

Tige pilaire

La tige pilaire est elle-même constituées de fibres de kératines fibreuses et de kératine amorphe qui « colle » les faisceaux de kératines fibreuses.

Sur la figure ci-contre, j’ai ajouté la kératine amorphe, (en bleu clair), c’est celle-ci qui absorbe les colorants et qui permet de se teindre les cheveux, elle peut aussi fixer des surfactifs anioniques.

Les protofibrilles sont maintenues entre-elles par des liaisons ioniques (Salt Bond),
des ponts disulfures (Disulphide Bond), ainsi que par

des liaisons Hydrogène (Hydrogen Bond)

 

 

L’énergie des liaisons ioniques sont très variables en fonction de leur environnement, si elles sont entourées de chaînes lipophiles, la valeur de leur énergie (environ 300 kJ/mole) est semblable à celle des ponts disulfures, par contre dans un environnement hydrophile, leur énergie est très faible (environ 10 kJ/mole).

Elles sont rompues par un brushing sur cheveux mouillés.

Les ponts disulfures sont des liaisons moyennent énergétiques (plus faible qu’une liaison covalente « habituelle »). Elles

- sont insensibles à la nature hydrophile/hydrophobe de leur environnement.

- peuvent être rompues chimiquement. C’est le principe de la « permanente »

 

 

La température d’un brushing sur cheveu sec, ou des « rouleaux », bigoudis, et autres papillotes est suffisante pour rompre, très provisoirement, les liaisons Hydrogène (25 – 50 kJ/mole) dans un environnement hydrophobe, comme … l’air sec.

 

À la moindre humidité, l’environnement devient hydrophile et l’énergie de liaison descend à une valeur quasi négligeable (2 – 6 kJ/mole).

est constituée d’écailles de kératine dure (semblable à celle des ongles) entourant la tige pilaire et se recouvrant comme les tuiles d'un toit.

État des cuticules,

bien adhérentes à la tige pilaire (photo de droite)

ou plus ou moins déchiquetées et relevées (photos de gauche)

… conditionnent la qualité de la chevelure et du coiffage.

… conditionnent la qualité de la chevelure et du coiffage.

 

… est un mélange lipidique complexe résultant du mélange du sébum produit par la glande sébacée et du

lysat des cellules de la gaine épithéliale interne.

Le cheveu est graissé naturellement par la séborrhée  

Sa propagation se fait de deux façons

- Par diffusion à partir de la racine, dans les interstices entre les écailles. Cette diffusion est plus lente quand les écailles sont soulevées (loi de Jurin)

- Par contact du cheveu avec le cuir chevelu et avec les autres cheveux, notamment lors du peignage.

 

Jeune fille se coiffant les cheveux, Auguste Renoir, Metropolitan Museum of Art, New York.

 

Le temps nécessaire pour qu’un cheveu complètement dégraissé retrouve sa séborrhée de la racine à la pointe est variable, il est compris entre douze et soixante douze heures, selon les individus, l’état du cheveu, etc..

L'utilisation du Shampooing est récente, le mot apparaît en anglais en 1877, il serait dérivé d'un mot hindi voulant dire masser, sous entendu le cuir chevelu.

L'habitude de se laver le cuir chevelu et les cheveux ne date donc que du début du XXème siècle. Et avant ?

Avant, on suivait les directives de l'École de Salerne « Laver vous souvent les mains, rarement les pieds, jamais la tête. »

 Encore en 1805, le Docteur de Saint Ursin n’autorise le « lavage de la tête à l'eau tiède savonneuse qu'en cas de teigne »

 

Les cheveux gardaient donc leur “crasse”, mais sous une perruque, un chapeau ou une coiffe, ils étaient rarement à portée de nez. Quand l'odeur devenait trop forte (selon un vieux coiffeur, cette odeur était semblable à celle du lait pourri), les coquets et coquettes les coiffaient avec un peigne enduit d'une huile parfumée.

 

 

 

Notons que l’aspect (voir % lustre), et l’odeur, de la chevelure sont des indices de la santé de celui qui en est surmonté.

« .. quand tu jeûnes, parfume ta tête »  Matthieu 6.17

Sidouri dit à Gilgamesh : « lave ta tête » (chapitre : « l’humaine condition », traduction et adaptation d’Abed Akrié – Sidouri est, en Mésopotamie, une jeune fille ayant pour fonction d’être l’échanson des dieux)

 

C’est peut être aussi pour juger de la bonne santé d’une prostituée que celle-ci devait montrer ses cheveux. (Marie-Madeleine est toujours représentée les cheveux libres, et souvent rousse pour suivre un édit de Louis IX, dit Saint-Louis)

 

Marie Madeleine,
Anthony Frederick Augustus Sandys.

« Lors de la Première Guerre mondiale, dans tous les pays belligérants, les femmes deviennent un soutien indispensable à l’effort de guerre dans l’industrie de l’armement, remplaçant dans les usines les hommes partis au combat. Elles sont surnommées les munitionnettes [photo ci-contre] car elles fabriquent souvent des armes, des munitions et de l'équipement militaire. Ces femmes ont découvert un sentiment d’indépendance financière et d’utilité au sein du monde du travail. » (Wikipédia)

Après la guerre, pour afficher leur indépendance, les Flappers aux USA ...

 

... et les Garçonnes en France, s’étaient fait couper les cheveux. Cette chevelure s’ajoutait à leur façon de s’habiller et de se comporter. (voir Les Flappers_Quand les femmes affirment leur liberté par leur façon de s’habiller, et les articles suivants

Depuis toujours, les femmes « honnêtes » ne quittaient leur chapeau, leur coiffe, etc. qu’une fois franchi le seuil de leur logis. Dehors, elles couvraient leurs cheveux.

C’est dans une France encore sous le joug nazi que certaines femmes se mirent déjà à sortir
« en cheveux » c'est-à-dire les
« cheveux libres »
.

Cet affichage de leur liberté était dirigé à la fois vis-à-vis contre les armées d’occupation, mais aussi vis-à-vis des hommes dont, comme leur mère, elles devaient occuper les places aussi bien aux champs qu’à l’usine.

Certains évoquent le prix des chapeaux, certes, mais elles auraient pu se mettre un simple foulard.

La liberté capillaire devint totale chez les jeunes femmes qui entourent les soldats alliés au moment de la libération de Paris.

 

Était-ce aussi une façon, inconsciente, de montrer qu’elles pouvaient accueillir favorablement les avances des hommes ?

Le baby boom serait-il le fruit de cette audace ?

 

Contrairement à leurs mères qui avaient brutalement revendiqué leur liberté en se coupant les cheveux (et libérer leurs mœurs), les femmes des années cinquante, à part d’être « en cheveux » sont rapidement rentrés dans l’ordre patriarcal.

 

Ce sont leurs filles, celles du baby-boom, qui se sont libérées cette fois en remontant l’ourlet de leurs jupes

 

Auparavant, cette liberté capillaire n’était réservée qu’aux prostituées, mais souvent dans l’Histoire, les femmes « honnêtes » se sont approprié les tenues et coiffures des courtisanes, représentantes à leurs yeux de la Liberté .

Voir l’étonnante façon de s’habiller de certaines Romaines.

 

 

Elle a suivi à la fois les avancées scientifiques de la chimie (de synthèse et de formulation)

… et la mode

1900

Savon de potasse (sur huile de coprah, d’olive, de ricin); semblable au « savon noir », très moussants, très alcalins. La mémoire collective de cette mousse servira de modèle peur pour les shampooings des époques suivantes.

 

Le rinçage à l'eau calcaire provoque un dépôt, il doit être complété par un vinaigre cosmétique ou utiliser eau de pluie, recueillie spécialement dans une cuvette par nos grands-mères.

 

(Contrairement au savon de potasse, le savon de sodium peut être purifié. En écartant aussi bien la partie « noire » que le glycérol (Glycerin) apparaît le savon de Marseille, ou d’Alep, au choix.

Cette opération est réalisée avec de la saumure … Il y aurait tellement à raconter sur le savon, des histoires, des anecdotes, par exemple :

- les savonniers marseillais chantent à tue-tête à la fois pour mesurer le temps et pour avertir tout l’atelier sur la phase d’avancement de la saponification/purification

- s’il avait concrétisé ses fiançailles avec Désirée Clary, Napoléon Bonaparte serait sans doute devenu l’empereur du … savon de Marseille.

- etc.)

1930

La synthèse des premiers "Alcools gras sulfonés" sur coprah/coco (1928) permet la fabrication des Soapless shampoo (shampooing sans savon), non alcalins (en réalité : peu alcalins), produisant une mousse abondante insensible aux eaux calcaires et donc facile à rincer

1960-70 

 

Années Peace and Love et "Douceur"

 

Les consommatrices veulent utiliser le shampooing de leur bébé.

Ce qui a posé des problèmes aux Formulateurs car « non irritant pour la muqueuse oculaire du bébé » était difficile à concilier avec donner du « corps » au cheveu (Voir § Rinçage et peignage). Ce fut au début, souvent l’œil du bébé qui fut sacrifié !

Voir aussi le Le shampooing « doux »

1984   

Les shampooings cosmétiques (en Europe) permettent des coiffures structurées, des looks sophistiqués… Ce sont aussi des shampooings qui prennent soi du cheveu.

 

_

 

Situé dans la lignée des shampooings « à la moelle », le premier qui ait fait date, semble avoir été Équilibre des Laboratoires Garnier.

 

Comme le montre la publicité pour Cadoricin, l’objectif d’un "shampooing traitement" n’est pas vraiment nouveau, mais à partir de 1984, les Formulateurs parviennent réellement à l’atteindre. (Voir § Conditionneur )

Le « ricin » de la marque Cadoricin est une allusion directe à l’huile de ricin (Castor oil, en anglais, mais qui n’est pas extraite de la graisse de castor ! … mais d’un végétal : Ricinus communis L.)
employée jadis à la fois

- par les coiffeurs pour graisser les cheveux

(avec une fonction –OH au milieu de la chaîne grasse, le ricinoléate est le plus hydrophile des acides gras naturels)

- par les savonniers pour fabriquer des savons de potasse utilisés comme shampooing..

On le retrouve aujourd'hui dans un conditionneur : le Disodium ricinoleamido MEA sulfosuccinate

PEG-40 Hydrogenated Castor Oil est présent dans A.2 : Synthetic  (Gel nettoyant fraîcheur de Nivea ?)

 

1987    

Avant cette date, aux USA, l'usage de l’après- shampooing était encore systématique.

Un shampooing - très ordinaire – était souvent vendu en lot avec un après- shampooing.

Le Pert de Procter and Gamble devient Pert Plus : qui est à la fois un shampooing et un après-shampooing.

Avec Pert Plus, Procter and Gamble va plus loin. Il n’a pas seulement les qualités d’un après-shampooing mais, en utilisant un grand pourcentage de silicones, il donne aux cheveux un aspect laqué.

 

Plus tard, Pert Plus sera décliné vers une clientèle masculine avec Pert Plus for Men

 

 

 

Elias Michael Theodorou, artiste canadien en arts martiaux mixtes

1995 - ….     

Shampooings « personnalisés »

2015 - ? Le Consommateur recherche le « naturel ».

 

 

 

2020 ? Shampooing préservant le microbiote de Chosmo epidermis ?

Il se pourrait bien que cet objectif ait été déjà réalisé quand le Formulateur a recherché de la « Douceur »

(Voir Chosmo epidermis. L’hygiène excessive accusée. et les articles suivants)

 

Aujourd’hui, chaque français utilise en moyenne 2,6 flacons de shampooing par an.

 

Vers

Le shampooing ne sert pas à se laver des cheveux « sales » mais à mettre en forme sa chevelure.

Les ingrédients utilisés par la Formulateur pour créer un shampooing sont en accord avec la demande du Consommateur, à savoir :

- Produire rapidement de la mousse en qualité et en quantité souhaitées (surfactifs primaires et secondaires), être facile à rincer, ...

- Apporter des qualités cosmétiques : faciliter le peignage, donner du lustre aux cheveux, et. (conditionneurs), être non irritant.

- Embellir la formulation (viscosants ; nacrants et opacifiants ; colorants ; composition parfumante ; "principes actifs").

- Protéger le shampooing (conservateurs, etc.)

 

Mention particulière pour le Sodium laureth sulfate (et des fake news) ; le Cocamide DEA, et le Cocamidopropyl betaine

 

L’obtention d’une mousse onctueuse, fine et stable donne un premier exemple de la complexité et de la puissance de la formulation.

Issu d'un aller et retour linguistique entre le français et l'anglais (Conditionneur, Conditioning agent), la définition de conditionneur pourrait être : remettre dans sa condition d'origine, sa forme native, le cheveu « endommagé ». Le marketing français donne la traduction de « revitalisant », « restructurant », « réparateur »…

Si les cheveux ont besoin d’être réparés, remis dans leurs conditions d’origine, c’est qu’ils ont été endommagés par différents facteurs extérieurs.

Chargé électriquement, le cheveu endommagé voit ses écailles se soulever, ses pointes devenir fourchue, etc. et la chevelure ébouriffée et impossible à peigner et à mettre en forme.

Le conditionneur doit rester sur le cheveu après le rinçage, mais pas trop, le juste équilibre est la force de la Formulation.

Plusieurs ingrédients sont utilisés par le Formulateur pour réparer le cheveu endommagé : des surgraissants, des surfactifs cationiques, des polymères cationiques, des hydrolysats de protéines, des silicones, etc.

La « douceur » d’un shampooing est une attente du Consommateur.

Pour y répondre la Formulateur utilise de nombreux ingrédients : des dérivés protéiques, quelques surfactifs non ioniques, des « huiles hydrophiles », des hauts polymères, le Disodium ricinoleamido MEA sulfosuccinate, le Magnesium laureth-8 sulfate, etc.

 

La puissance de la formulation apparaît dans le mélange synergique du Sodium laureth sulfate avec des surfactifs « secondaires » comme le Sodium lauroyl sarcosinate ou mieux encore le Disodium cocoamphodiacetate.

 

Un surfactif même fortement irritant, s'il était utilisé seul, peut être non irritant dans une formulation, ... pas un peu irritant, pas irritant du tout.

Par ailleurs, le principe :« Le poison, c’est la dose » est la base la pharmacologie.

Il existe toujours une Zone de concentration où la substance « poison » n’a aucun effet.

Maintenant que le cheveu a été embelli, c’est au tour du shampooing d’être embelli par

une viscosité adaptée,

des nacrants, des colorants,

des parfums et

des principes actifs.

Tout doit être fait pour satisfaire sa Majesté le Consommateur

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