Les « actifs » et le Microbiote cutané
Interaction entre le microbiote cutané et l'épiderme
L'activité de l'eau
Effet kératolytique
Action des humidifiants. Néo kératinisation
Dans le numéro de janvier 2017 du Journal of Drugs in Dermatology, sous le titre : The Role of Cutaneous Microbiota Harmony in Maintaining a Functional Skin Barrier, Sophie Seité et al. ont utilisé un « actif » reconnue pour donner satisfaction dans le traitement de la dermatite atopique : l’Eau thermale de la Roche Posay. Ce qui a permis à cette équipe, à la fois de valider la méthode et de valoriser le produit qui a été testé, à savoir, une crème « émolliente » de la gamme La Roche Posay de L’Oréal.
D’abord la méthode.
L’identification par séquençage des gènes de la fraction ARN ribosomale de 16kDa (16S rRNA) est spécifique et, point important que signale bien les auteurs, cette méthode permet d’identifier toutes les espèces y compris celles qui ne sont pas cultivables selon les techniques habituelles de la microbiologie. Cette méthode pourra être retenue pour les recherches ultérieures ; son seul défaut est de ne pas distinguer les bactéries vivantes des mortes (récemment).
https://www.youtube.com/watch?v=RPWS9kMsAOU
Commentaires de la Table 1 de l’article :
- Les lipases produisent des acides gras qui peuvent effectivement être irritants s’ils sont courts. Mais très courts, comme l’acide propionique, ils peuvent concourir à protéger la peau et maintenir la diversité du microbiote.
Courts, ils sont aussi volatils, ils déterminent l’identité olfactive (fonction elle-même du système immunitaire HLA).
- Il me semble peu vraisemblable que ce soient des protéases bactériennes qui dégradent la filaggrin. Cette protéine ancillaire est hydrolysée dans les couches profondes du stratum corneum, auxquelles les protéines bactériennes n’ont normalement pas accès. La barrière cutanée est justement une barrière contre l’intrusion de protéines étrangères. La filaggrin est dégradée par des protéases épidermiques, il pourtant possible que des protéases bactériennes achèvent la dégradation.
Peu importe, considérons les produits de dégradation de la filaggrin, ceux qui fournissent l’essentiel du natural moisturizers factor. Or ce fameux NMF pourraient bien être un mélange de métabolites apprécié par le microbiote cutané. L’effet du NMF ne serait pas « d’hydrater » la peau, mais de permettre le développement des gentils microbes. Comme ceux qui utilisent l’urée, voir table 1 ci-dessus
Les auteurs rappellent, à juste titre, l’importance de l’activité de l’eau qui est nécessaire à la croissance des microorganismes :
Staphylococcus aureus is able to grow until aw of 0.83,
Staphylococcus epidermidis is less resistant (unable to grow below aw of 0.87),
Pseudomonas fluorescens is unable to grow below aw of 0.97.
P. fluorescens produit un antibiotique : la mupirocin (Bactroban®) utilisée, par exemple dans les cultures de peau. Cette bactérie produit aussi une protéase et une lipase.
Auxquels j’ajoute les Lactobacillus, croissant à partir de 0,91 d’activité d’eau.
(À titre de comparaison, dans la charcuterie sèche, l’activité de l’eau est comprise entre 0,85 et 0,95, dans la viande fraîche, 0,98 ;
0,87 correspond approximativement à l’activité en eau du sirop d’érable.)
Ces conditions de croissance en fonction de l’activité de l’eau montrent que plus il y a de l’eau dans l’épiderme, plus P. fluorescens pourra se développer, et que s’il n’y en a pas assez ce sera S. aureus qui sera privilégié. Les plus gentils, S. epidermis, et Lactobacillus demandent une activité de l’eau précise, et qui doit correspondre à une quantité d'eau et un flux d’eau transépidermique optimal et donc un état de la barrière cutanée tout aussi optimal.
Ce sont des bicouches lipidiques qui permettent la régulation de ce flux d’eau s’échappant de notre corps (hors les glandes sudoripares).
Ces bicouches lipidiques sont constituées d’environ 30% molaire d’acides gras libres, 30% de cholestérol et 30% de céramides (schéma ci-dessous), ces derniers faisant l’originalité des bicouches céramidiques du stratum corneum. Leurs précurseurs, glucosylées, forment dans le stratum granulosum des bicouches glucocéramidiques qui, selon mon hypothèse, favoriseraient la kératinisation par une capture de l’eau comme-de-la-glace.
Voir Une crème "hydratante" est structurante
Empilement de bicouches céramidiques du stratum corneum
La mesure du flux de perte insensible d’eau, la TEWL, permet une bonne évaluation de "l’état barrière" de la peau et notamment de celui des bicouches céramidiques du stratum corneum.
Plusieurs travaux montrent que le flux de perte insensible d’eau augmente chez les patients présentant de dermatites atopiques. Augmentation corrélée, comme on pouvait s’y attendre, avec une diminution des céramides épidermiques
D’après les relations entre les activités de l’eau et le développement des espèces, nous pouvions parier pour la dermatite atopique favorise le développement de Pseudomonas fluorescens et des gentilles Lactobacilles. Perdu ! Expérimentalement, Sophie Seité nous révèle que c’est Staphylococcus aureus qui colonise la peau dans 90% des cas de dermatite atopique.
Ce contre résultat est-il un nouvel exemple de l’effet primordial du système immunitaire sur la répartition des microorganismes du microbiote cutané ?
(Ce qui confirme la conclusion de l'article La peau et ses odeurs)
Que les oligoéléments de l’Eau thermale de la Roche-Posay favorisent une diversité du microbiote valide le succès de cette Eau. Succès connu et reconnu depuis plusieurs siècles. Il est possible, comme semble le montrer les auteurs, (dans des travaux précédents) que le principal « actif » soit le sélénium.
En effet, celui-ci provoque un enrichissement de la flore épidermique en Xanthomonadales.
Or ces bactéries sont connues pour fournir des protéases, susceptibles d'hydrolyser les kératines.
L’action kératolytique de ces microorganismes permettrait une élimination des anciennes kératines de la peau à dermatite atopique. Les kératines correspondantes à cette affection cutanée sont certainement mal structurées et donc certainement plus sensibles aux protéases bactériennes.
Cet effet kératolytique est-il bénéfique pour les dermatites atopiques ? On peut le présumer puisque la station thermale de la Roche-Posay propose, par ailleurs, un « décapage des squames à l’aide de produits à base d’acide salicylique incorporé à de la vaseline ou à d’autres émollients. »
Cette validation par la microbiologie des propriétés kératolytiques de l’eau thermale de la Roche-Posay est, à mon sens, le résultat le plus important, mais curieusement négligée dans la conclusion de Sophie Seité et al.
Les anciennes squames sont éliminées. Cette élimination a un effet stimulant sur une néo kératinisation. Mais peine perdue, si les nouvelles kératines sont aussi défectueuses que les anciennes !
Les auteurs prennent la précaution de mettre « to moisturize » entre guillemets. À juste titre, car si nos crèmes hydratantes se contentaient d’humidifier la peau, cette humidité favoriserait S. aureus !
Par contre, selon mon hypothèse, nos « crèmes hydratantes » sont structurantes, elles capturent de l’eau comme-de-la-glace, favorisant ainsi l’agrégation des trios kératines K1, K1 et filaggrin, donnant au final une peau moins rêche.
Une crème "hydratante" est structurante
La crème « émolliente » » utilisée par Sophie Seité et al. contient 20% de beurre de karité. En considérant cette crème, non pas comme émolliente (pourquoi la peau de la dermatite atopique devrait-elle être ramollie ?)
"Emolliente"? Non, non et non !
……. mais comme « hydratante » c'est-à-dire structurante, nous comprenons mieux son mode d’action.
Pour résumer, la méthodologie utilisée par Sophie Seité et al. est excellente et ouvre la voie vers d’autres objectivations de nos « actifs ».
Quant à l’efficacité sur la dermatite atopique de la crème utilisée, je l’explique de la manière suivante :
- d’une part une modification du microbiote cutané par le sélénium favorise une kératolyse des kératines mal agrégées.
- et d’autre part une amélioration de la néo kératinisation par la crème « émolliente », et en réalité structurante.
Vers
La peau et ses odeurs
Si les développements passés, présents et à venir de Chosmo sapiens dépendent fondamentalement des microorganismes, pour le « à venir », chacun pour sa part, l’homme, la femme et leurs bactéries respectives, se chargent de créer les signaux odorants orientant le choix vers l’un ou l’autre partenaire destiné à la reproduction et/ou pour le soin envers les enfants.