Kératinisation et eau comme de la glace
Full text in English (by Google)
Version du 3 avril 2023
En bref…
La filaggrin est une protéine fibreuse ancillaire de la kératinisation depuis la formation des proto-fibrilles de kératines K1 et K10 jusqu’à la structuration en macro-fibrilles.
Rôle de « passeur ». Fortement polaire, en s’associant au couple K1/K10, la filaggrin permet au trio d’être « soluble » dans l’environnement hydrophile du stratum granulosum, là où commence le métabolisme de la kératinisation. Son hydrolyse progressive permet à la surface des assemblages de kératines de devenir hydrophobe dans le stratum corneum, couche de l’épiderme en contact avec l’air (hydrophobe).
L’environnement hydrophobe favorise l’énergie des liaisons ioniques internes des fibrilles de kératine.
La richesse en histidine pourrait permettre à la filaggrin de favoriser l’apoptose des cellules épidermiques du stratum granulosum.
En 1978, Beverly Dale (University of Washington, Seattle), publie une Letter dans Nature pour informer la communauté scientifique de sa découverte d’une stratum corneum basic protein permettant l’assemblage et la structuration des filaments de kératines en macro-fibrilles :
Assembly of stratum corneum basic protein and keratin filaments in macrofibrils.
Un peu plus tard, Beverly Dale et son équipe montrèrent que cette protéine fibreuse est particulièrement riche en histidine.
Au pH physiologique, cet acide aminé confère à l’histidin-rich protein un caractère cationique, celui d'une "basic protein"
Pour bien montrer son importance comme auxiliaire de la structuration de l’épiderme, dans le même article, le nom de filaggrin est donné à cette protéine basique par Beverly Dale.
Schéma didactique, en section, du trio des filaments de kératine K1, kératine K10 et de filaggrin.
Les zones hydrophobes, en grisé, sont couvertes d’eau organisée comme de la glace, en rose.
La kératinisation commence par l’assemblage des trios filaggrin, keratin K1, keratin K10 (dans le cas le plus général).
Ensuite, conformément à la théorie de Charles Tanford, l’assemblage de deux trios peut se faire par les parties hydrophobes.
Dans la zone indiquée schématiquement par cette flèche sur le schéma ci-dessous
Quant aux liaisons ioniques (flèches en pointillé sur le schéma ci-contre), observées par Beverly Dale, elles ne deviennent énergétiques qu’après la création autour d’elles d’un environnement hydrophobe (elles passent alors d’environ 12 à environ 300 kcal/mole). (Voir Effet de l’environnement sur les énergies de liaison )
Cet environnement hydrophobe apparaît progressivement pendant la kératinisation (voir ci-dessous : la filaggrin comme "passeur")
La filaggrin disparaît dans les couches supérieures de l'épiderme. Les acides aminés, produits de son hydrolyse, constituent l’essentiel du Natural Moisturizing Factor, le NMF bien connu des cosmétologues.
Voir, par exemple : Filaggrin breakdown to water binding compounds during development of the rat stratum corneum is controlled by the water activity of the environment.
Il est également possible d’attribuer à la filaggrin une fonction de « passeur ».
Selon un gradient hydrophile – hydrophobe, la kératinisation commence dans le cytosol des kératinocytes du stratum granulosum dont l’environnement est hydrophile, pour se terminer dans le stratum corneum dont l’environnement est hydrophobe, celui de l’air extérieur.
La filaggrin pourrait faciliter ce passage entre ces environnements extrêmes.
Fortement polaire, la protéine ancillaire rendrait le trio (K1, K10, Filaggrin) « soluble » dans le cytosol du stratum granulosum. L’hydrolyse de la filaggrin ne laisserait persister que le duo K1, K10, majoritairement hydrophobe.
Entre les deux environnements extrêmes, l’air extérieur hydrophobe et le stratum granulosum hydrophile, existe deux couches hydrophobes, celle des bicouches céramidiques du stratum corneum et celle du sébum.
Les bicouches céramidiques du stratum corneum, hydrophobes et structurées, sont mises en place conjointement avec la kératinisation. Voir "bicouches céramidiques" sur le schéma ci-dessus"
Le sébum est un ensemble de lipides amorphes et hydrophobe provenant directement des glandes sébacées et imbibant par l'extérieur la couche la plus externe du stratum corneum
Le sébum est synthétisé par les glandes sébacées et se déverse, après lyse de la glande, dans le canal pilaire,
... puis l'ensemble (+ débris cellulaires de la gaine épithéliale interne + bactéries et hydrolysats bactériens) migre vers la surface de la peau et du poil
Après l’assemblage de deux trios (K1, K10, Filaggrin) puis l'hydrolyse progressive de la filaggrin (voir schéma ci-dessus), des zones hydrophobes persistent sur les surfaces extérieures des proto fibrilles. Elles sont repérables sur le schéma ci-dessous par les couches d’organisées comme de la glace (en rose)
Dans un environnement appauvri en eau, la quantité d’eau organisée comme de la glace est insuffisante pour couvrir les zones hydrophobes des assemblages de kératine.(voir aussi Solvatation/agrégation des protéines)
Après la formation des fibrilles, puis des macro-fibrilles, ces zones hydrophobes (grisées) constituent la surface hydrophobe du stratum corneum. Cette hydrophobicité est parfaitement adaptée à celle du nouvel environnement : l’air extérieur.
Rappel : L’énergie des liaisons ioniques à l’intérieur des fibrilles sont favorisées par cet environnement hydrophobe (voir § liaisons ioniques)
Comme la kératinisation s’accompagne de la « mort cellulaire », je soupçonne que cette protéine riche en histidine joue également un rôle dans l’apoptose des cellules épidermiques du stratum granulosum. J’appuie cette intuition sur le fait que la protéine Histidine Triad (HIT) déclenche l'apoptose indépendamment de son activité enzymatique.
La caractéristique de l’Histidine Triad (HIT) sont les motifs, His-x-His-x-His-x-x (où x sont des acides aminés hydrophobes).
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… pour finalement aboutir à un concept très "simple"
- In vivo, la capture de l’excès d’eau-comme-de-la-glace par les bicouches glucocéramidiques du stratum granulosum régule la kératinisation.
- Les crèmes « hydratantes » et notamment la Crème au stéarate procèdent à la même capture depuis le stratum corneum.