École.15.01 : Le regard. Courtiser n'est pas harceler
- Bonjour Professeur.
- Bonjour Axiothée. Quelle est donc cette question que tu voulais me poser ?
- Ce regard appuyé, Professeur, ne risque-t-il pas d’importuner ? Surtout s’il exprime la domination ?
- Je sens, Axiothée, que tu fais référence à l’actualité et à cet article paru dans Le Monde sur la liberté d’importuner indispensable à la liberté sexuelle, dont nous avons déjà fait allusion dans la leçon 13,
- Même Laetitia Casta est mise en cause ! Pour avoir dit « Je ne suis pas féministe, je suis une femme » ! La moindre déclaration alimente la polémique!
- Et bien, Axiothée, moi, je persiste, le regard est suffisant pour séduire.
Je pourrais ajouter celui Flappers, dont l’effronté n’était pas seulement dans leur façon de s’habiller mais aussi ou surtout dans leur regard croisant celui des hommes.
- Vous parlez de la séduction par les femmes, Professeur, la polémique concerne la séduction par les hommes vis-à-vis des femmes.
- Les hommes, Axiothée ! Comme toutes les femmes, tu dois savoir que les hommes sont d’une extrême lourdeur dans leur jeu de séduction !
- ….
- J’ai déjà insisté, je crois, Axiothée, dans ma leçon sur les Princesses, que quand il y a jeu de séduction, la règle du jeu doit être respectée aussi bien par les hommes que par les femmes.
- Justement, Professeur, la polémique porte sur ceux qui ne respectent la règle du jeu.
- En effet, Axiothée, «… toucher un genou » passe encore, mais « tenter de voler un baiser » pour reprendre les exemples de l’article du Monde, est stupide. Je dirais même que ce n’est pas de la séduction, mais de la bêtise, plus que de la bêtise ! Je le répète, ce que j'ai dit dans le leçon 14, le regard suffit à la séduction.
- Ne faut-il pas ajouter de l’humour ? Faire rire n’a-t-il pas toujours été un bon moyen de mettre une dame dans de bonnes dispositions ?
- Évidemment plus que « d’envoyer des messages à connotation sexuelle » ! Je dois t’avouer, Axiothée que l’humour comme moyen de séduction m’a longtemps posé un problème.
- J’imagine que vous l’avez finalement résolu, n'est-ce pas, Professeur !
- Oui, en effet, Axiothée. Je me suis rendu compte que pour faire de l’humour, il fallait être en bonne condition intellectuelle et même physique, qualités appréciées par une femme, car ces qualités laissent présumer que le fruit de leur union soit lui-même de bonne qualité.
- En somme, faire rire une femme c’est montrer sa vigueur, voire ses bonnes qualités génétiques ! Pas très poétique tout cela, Professeur !
- La biologie n’a pas pour vocation d’être poétique, Axiothée. Justement pour en revenir l’actualité sur le harcèlement, l’excellent article d’Alexis Bourla et Charles-Siegfried Peretti nous placent au dessus des polémiques.
D’abord, les auteurs rappellent la composante répétitive du harcèlement sexuel, que le législateur a d’ailleurs parfaitement indiquée dans le Code pénal. Il est évident que de « tenter de voler un baiser » une fois, une seule fois n’est pas du harcèlement, cela peut-être, par exemple, la prolongation sans conséquence de l’ambiance festive d’un pot de fin d’année un peu trop alcoolisé.
Ensuite, et c’est très important : Alexis Bourla et Charles-Siegfried peuvent l’observer quotidiennement dans leur service à l’hôpital Saint-Antoine, le harcèlement touche plus particulièrement des personnes vulnérables.
- Ce qui ne semble pas être le cas des auteures de l’article du Monde, ces femmes qui défendent « une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle ».
- En effet, Axiothée, une femme non vulnérable saura se faire respecter, elle n’est pas la proie du harceleur. Pour les autres, l’abject harceleur abuse de cette vulnérabilité. Vulnérabilité qui ne fait que s’accroître puisque les victimes sont fragilisées par le harcèlement. Le dévastateur cercle dépressif s’installe.
À ce stade, même le « simple regard trop appuyé », le même que celui nous avons parlé dans la leçon précédente, peut devenir un harcèlement pour une femme fragile. Et cela répondra à ta question, Axiothée, ce regard appuyé n’est plus un regard de séduction mais un regard de domination. Pour simplifier je n’ai envisagé que l’hétérosexualité, mais avec la domination il est facile d’étendre mes propos à l’homosexualité.
- C’est donc bien davantage que d’importuner, Professeur ! C’est l’abjection de la domination !
- Harceler n’est pas courtiser. Les femmes qui ont lancé « Balance ton porc » et celles qui ont répondu par une défense de la liberté d’importuner indispensable à la liberté sexuelle, ne parlent pas du même homme, ni de la même liberté.
- Et, j’ajouterais, Professeur, que le Harceleur est, je dirais par définition, un mauvais Séducteur !
- En effet, Axiothée, sinon il n’aurait pas besoin de harceler !
- Vous avez dit, Professeur, que l’humour, faire rire une femme, indiquait une bonne condition intellectuelle et même physique.
- En effet, Axiothée, et il est certain que d’être harcelée ne doit pas provoquer l’hilarité ! Mais continue ton raisonnement.
- Si au début, sa position hiérarchique lui donne un certain prestige, ses maladresses à répétitions sont une preuve de sa faiblesse qui ruinent ses projets de séduction. Éconduit, il devient un Harceleur, de plus en plus ignoble. Et de moins en moins séduisant.
- Et de plus en plus faible ! Excellente analyse, Axiothée, et que je rapprocherais des conclusions de Y. Joel Wong de l’Université de l’Indiana à Bloomington, Moon-Ho Ringo Ho de l’université technologique de Nanyang (Singapour) et leurs collègues. Selon ces scientifiques, les sentiments de machisme et de domination participent grandement à l’apparition d’une dépression, dépression d’autant plus sournoise que dans son orgueil de mâle, il refuse toute aide psychologique.
- Le Harceleur déprimé harcèle une femme fragile, et lui fait partager sa dépression !
- En quelque sorte, oui, Axiothée. Le Harceleur est à la fois un délinquant et un malade.
- Et, au contraire, Professeur, en bonne condition intellectuelle et physique, l’homme courtise selon les règles du jeu de la séduction, notamment celles de l’humour.
- C’est un bon résumé, Axiothée.
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