Amertume et microbes
Certains microbes produisent des substances amères, qui déclenchent une réaction immunitaire précoce dans tout l’organisme.
Pour décourager les prédateurs (herbivores) les végétaux auraient produit des molécules amères comme des leurres d’une dangereuse contamination bactérienne, d’une pourriture.
De même qu'une légère amertume est appréciée, le faisandage est une légère pourriture appréciée par certains gastronomes.
Dans la nouvelle promenade Les bienfaits du jeûne sur le cerveau,
nous avons vu défiler, dans l’euphorie, les merveilleux bienfaits cognitifs, coopératifs, évolutifs du jeûne.
Aux faibles doses, celle de l’hormèse, les végétaux amers pourraient être des Mimes de restriction calorique, ou des Mimes d’activité physique.
Une logique s’impose à nous : si nous ressentons l’amertume, c’est que nous avons des récepteurs à ce goût.
Contrairement au sucré, au salé, à l’acide et à l’umami pour lesquels nous n’avons qu’une seule sorte de récepteur (parfois jumeaux), les récepteurs à l’amertume sont variés, nous en avons vingt cinq différents.
La première hypothèse serait qu’au cours de l’Évolution, pour lutter contre les prédateurs, les végétaux auraient synthétisé des toxines, ou des mimes de toxines - celles qui ont intéressé Mark Mattson sont les neuro-toxines, mais il en existe de nombreuses autres et, en réalité, la plupart des végétaux ne sont pas comestibles « en l’état » (voir ci-dessous)
Les Asteraceae est la famille végétale qui a produit le plus de différents "mimes" .
D’après Linhong Deng
Autres exemples de toxines végétales :
- les toxines provoquant des malformations chez l’enfant et le fœtus (par exemple le β-amino propionitrile provoquant le lathyrisme),
- des inhibiteurs des enzymes de la digestion des protéines, ceux des Légumineuses/Fabacaea, voir à ce propos, l'importance de la cuisson des aliments dans
De leur côté, les prédateurs, y compris les Homo, et avant eux leurs ancêtres, auraient développé des récepteurs à l’amertume variés pour éviter de manger ces mêmes végétaux.
Or l’amertume ne sert pas seulement à détecter des poisons alimentaires, selon de récents travaux, des récepteurs à l’amertume se trouvent partout dans tout le corps, y compris la peau
L’accès à certains récepteurs, par exemple ceux du cerveau, est vraisemblablement impossible aux neuro-toxines alimentaires.
Alors, à l'origine, par quelles molécules les récepteurs à l'amertume sont-ils activés ?
En dehors de la langue un
récepteur à l’amertume (TAS2R38) réagit à des molécules d’origines bactériennes, plus précisément aux acyl-homosérine-lactones libérées par des biofilms bactériens, par exemple par ceux formés par ...
Dans une revue, Robert Lee et Noam Cohen nous précisent que d’autres récepteurs à l’amertume (25 sont connus) réagissent à d’autres « marqueurs » bactériens :
- TLR2, à l’acide lipotéichoïque, constituant des parois des bactéries Gram+
- TLR4, aux lipopolysaccharides, autres constituants des parois des bactéries Gram+
Des articles plus anciens mentionnent que les lipopolysaccharides et le peptidoglycane (encore un autre constituant de la paroi bactérienne) stimulent l’expression du gène codant pour une β-défensine (HBD-2) (Voir l’Île.71) pouvant laisser présumer que les récepteurs d’amertume réagissent à de nombreux « morceaux » bactériens faisant office de marqueurs. Dans le langage immunologique, on parlerait d’antigène (lien vers l’Île.94)
Lipopolysaccharide
Les lipopolysaccharides sont des lipides complexes auxquels sont attachés des polysaccharides (« lipo » car les molécules de LPS ont une partie lipidique (Lipid-A) et pas comme constituant normal du tissus graisseux/adipeux !) et des protéines. Les lipopolysaccharides sont des constituants de la paroi bactérienne des bactéries à Gram négatif. La succession de colorations et de décolorations inventée par Hans Gram est un moyen classique de distinguer les bactéries.
Sur le plan immunologique, une partie des lipopolysaccharides constituent l'antigène O des bactéries à Gram négatif comme par exemple les Staphylocoques (lien vers l’île.94). Les lipopolysaccharides ont de puissantes propriétés inflammatoires.
Une fois activés ces récepteurs « à l’amertume », et aux débris bactériens, enclenchent une réaction immunitaire innée, parallèle au système connu,
Voir l'article :
Bien qu’il soient identiques, pour un même individu, selon la cellule à la surface de laquelle les récepteurs à l’amertume sont placés, l'activation des TAS2R provoquent des réponses très différentes, voire inverses
Il est possible de distinguer plusieurs types de réponses :
- neuronale, sur la langue
- celle d'un système immunitaire inné des tissus épithéliaux , par exemple ceux des voies aériennes,
- etc.. voir :
Les végétaux amers peuvent donc également être considérés comme des Mimes de signaux bactériens.
Les végétaux auraient produit des molécules amères comme des leurres d’une dangereuse contamination bactérienne, d’une pourriture.
Même si l’odeur du café
(il y aurait plus de 800 molécules dans l’arôme du café torréfié) n’évoque pas vraiment de la pourriture, la caféine lui donne une l’amertume (il ne faut pas confondre goût et odeur).
Remontons un peu les raisonnements.
Si les végétaux auraient développé des amertumes comme des leurres d’une dangereuse contamination bactérienne ...
... les récepteurs d’amertumes existaient sur la langue, non pas pour repérer des végétaux toxiques mais pour repérer de la nourriture avariée.
L’un d’excluant pas l’autre, les récepteurs pouvant servir à la fois d'avertisseur de végétaux toxiques et aux microbes tout aussi toxiques.
Les homininés (ou Hominina, c'est-à-dire Homo et avec lui les Australopithèques, etc.) mangeaient bien quelques fruits mais ne dédaignaient pas une charogne d'un animal mort naturellement ou abandonné par une grand prédateur,
même quand ils devinrent chasseurs eux-mêmes, et avec l’invention du feu qu’ils puissent faire des ragoûts ou ajouter quelques morceaux de viande à sa soupe.
Après avoir éloigné les autres charognards, il fallait à nos ancêtres reconnaître les parties comestibles.
D’abord l’odeur, bien entendu ! aigre, elle peut être un signal de pourriture trop avancée. Mais elle peut être masquée, par exemple par une odeur florale et fraîche, comme celle exhalée par Pseudomonas aeruginosa, encore lui ! semblable à celle du seringa (famille des Philadelphacées) ou "jasmin des poètes".
Le récepteur à l’amertume, en l’occurrence le T2R38 permet, au goût, de rejeter cette nourriture toxique.
Comme certaines amertumes sont appréciées, certaines pourritures avancées devaient l’être également.
Au moins, si on en juge par le « faisandage », encore à la mode récemment chez les gastronomes, effectué pour développer la saveur d’un gibier et (surtout) l'attendrir par l'effet de la mortification.
Au temps de Brillat Savarin, le faisan n'était jugé digne de la table d'un gastronome qu'à l'état de complète putréfaction, il recommandait en effet de le conserver dans ses plumes jusqu'au verdissement de l'abdomen.
Dans son Dictionnaire des idées reçues, à « Gibier », Flaubert indique : « N’est bon que faisandé. »
Faut-il rapprocher cette appétence pour la petite dose de pourriture, donc de fragments bactériens de l’hormése
L’hormèse/hormesis est la propriété de certaines substances toxiques (pas toutes !) d’avoir un effet « bénéfique » à des faibles doses.
Comme les autres charognards, Homo devait particulièrement priser les viscères et notamment le foie
... (riche en vitamines, longtemps considéré comme le siège de la pensée, et dans lequel les Étrusques lisaient l’avenir, voir figure ci-contre ),
... mais il ne fallait pas qu’il soit trop contaminé par les microbes du gros intestin. La forte amertume des sels biliaires des fèces pouvait être un excellent indicateur.
Parmi toutes les stratégies pour repousser les prédateurs, certaines plantes ont directement utilisé des odeurs ...
… de pourriture comme Amorphophallus
… de matière fécale comme le champignon Hydnora africana
Sans parler de Phallus impudicus, ou satyre puant, qui a été un temps envisagé pour constituer, à faible dose, une note de fond dans les parfums.
Encore, comme dans l’hormèse, tout est affaire de doses !
Ne pas manquer le Grand
Pour l’amertume dans la peau, voir ce paragraphe
… et l’île 81 Amertume et épiderme
… ainsi que les les Îles des Amertumes. 50, etc.
Pour le rôle du baiser dans la connaissance réciproque des récepteurs d’amertume et de la compatibilité du système HLA des deux partenaires
Voir l’île 99
- Aux bienfaits du jeûne sur le cerveau, s’ajouteraient chez Homo sapiens des vertus sociales qui favoriseraient le renforcement, dans l’euphorie, des réseaux coopératifs.
Cette euphorie et ces réseaux ont aussi pu accroître son auto-domestication
- Les végétaux amers sont des mimes de restriction calorique et d’une activité physique.
- Les récepteurs à l’amertume sont-il en relation avec les activités cognitives ?
- Les effets bénéfiques de ces mimes se produisent à des doses hormétiques (hormesis)