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Publié par Jean-Pierre FORESTIER

 

  

Comme Magellan cherchant un passage vers le l’océan Pacifique c’est en goûtant que nous progressâmes, pas avec nos Récepteurs au salé mais avec ceux à l’amertume.

    Dans leurs remarquables travaux, Ute Wölfle et ses collègues de l’université Goethe (Frankfurt, Allemagne) ont d’abord mis en évidence que l’épiderme possède des récepteurs de l’amertume : le TAS2R1 et TAS2R38

Voir Amertume dans la peau § Dans la peau

Puis, continuant dans l'excellence, Ute Wölfle a montré que la stimulation des récepteurs épidermiques à l’amertume par le principe amer de Gentiana lutea L. provoque une accentuation de la différentiation cellulaire, celle-ci étant marquée par :

- d’une part, par l’augmentation des teneurs en protéines comme les kératines K1 et K10 et la filaggrin

- d’autre part, par des teneurs en céramides et acides gras libres, constituants essentiels des bicouches glucocéramidiques et céramidiques, elles mêmes garantes du maintien de la frontière entre le Chosmo epidermis et l’extérieur « l’effet barrière ».

Remarque : Un accroissement de « effet barrière » diminue le flux de perte d’eau transépidermique (Lien vers Île.06 : l’eau) donc diminue l’émanation des odeurs.

   

Ute Wölfle ne le signale pas, mais la différentiation cellulaire qu’elle a observée fait partie de la stimulation provoquée par des ROS  (voir propriétés générales des Radicaux libres)

Il est donc probable que, comme les autres récepteurs d’amertume, ceux de l’épiderme envoient des messagers (cytokines –voir l’Île.53) et que ces messagers provoquent chez les cellules cibles (kératinocytes) la libération de défensines et de monoxyde d’azote (Île.54) qui eux mêmes etc.

 

    Parmi les Îles que nous avons visité avec la plus grande prudence figure celle des Phéromones.

Nous voulions passer au large, mais une exploration devant être la plus complète possible, nous nous y arrêtâmes mais nous ne fîmes qu’une courte escale.

     Comme molécules uniques, nous considérâmes simplement que les phéromones entrent dans la symphonie des odeurs.

     Par analogie avec l’acoustique, nous savons qu’Homo sapiens peut réagir à la note unique d’un sifflet ou d’une sirène d’alarme, mais l’information est trop limitée pour être intéressante à explorer. (Lien vers l’île.98 § Orgue).

    L'éléphant femelle produit du 7-dodecényl acétate pour signaler aux mâles des environs sa période féconde, mais la même éléphante élève ensuite son éléphanteau avec les autres femelles du troupeau, sans l’aide d’aucun mâle.

Comme chez Homo sapiens, il n’est pas suffisant que la femelle soit fécondée, mais qu’il faut aussi apporter des soins à l’enfant, et pendant longtemps (lien vers l’île.91) les informations doivent être plus subtiles.

Certes, recevoir de l’androstadiénone sur ses récepteurs olfactifs met la femelle d’Homo sapiens dans de bonnes dispositions, mais seulement pour recevoir d’autres informations, et pas seulement olfactives, de la part d’un partenaire potentiel.

 

 

 

Il suffit de lire les romans « sentimentaux » de Jane Austen pour avoir une idée de l’ampleur et la complexité de ces informations, dont « l’odeur de l’argent » est loin d’être exclues !

 

    

 

 

Phéromone est l’acronyme du grec pherein, « porter » et hormôn, « exciter ». Rapidement il a été synonyme de molécule odorante qui signifie « j’attire ». Chez Homo sapiens il faudrait leur associer beaucoup de « j’éloigne », l’ensemble permettant à la femelle de faire son choix, autant par attraction que par élimination.

   Il arrive un moment où tout explorateur doit faire un bilan, au moins intermédiaire, de ce qu’il a découvert. Le hasard voulut que nous le fassions sur l’île.85.

      Considérant que

1° Ni les lipides bactériostatiques (Île.36), ni les défensines (Île.71), ni le monoxyde d’azote (Île.61), ni les enzymes (Île.04) ne sont parfaitement efficaces … sinon nous n’aurions pas de flore cutanée !

2° Les bactériocines (Île.40) ne sont parfaitement efficaces… sinon l’épiderme n’abriterait qu’une espèce de bactérie, or elles sont très nombreuses.

  

Il existe donc un état stationnaire – ou équilibre dynamique - entre l’épiderme et les différentes espèces composant le microbiote cutané.

 

Cet état stationnaire n’est pas un hasard puisque le microbiote individuel se reconstitue rapidement après sa disparition, par exemple à la suite d’un lavage (Île.28 : Stabilité individuelle de la flore)… donc les lions/microorganismes sont domptés. Mais par qui ?

Ne serait-ce pas La cellule de Langerhans 

 

       Bien qu’il fût prévu de limiter notre exploration à la production d’odeur et que leur réception justifierait à elle seule, un voyage vers un autre océan, largement aussi étendu que celui de l’émission…. visiter une île des polymorphismes nous parut parfaitement justifié.

 

     L’île sur laquelle nous abordâmes nous réserva une grande surprise puisque nous nous trouvâmes en présence d’un écrivain dont la sensibilité aux odeurs est renommée : Marcel Proust lui-même.

Il ne nous parla pas de madeleines, mais de l’esthétique olfactive des asperges :

 «  [les asperges] jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum. »

Le terme « parfum » nous sembla en lui même une farce ! Ne faudrait-il pas plutôt parler de puanteur ? Et celui, ou celle, qui espère quelque bonne fortune ne s’abstient-il pas de consommer des asperges avant son rendez-vous galant ?

     Nous laissant à notre surprise, l’auteur de À la recherche du temps perdu disparut et nous laissa en compagnie de Lorelei Mucci et ses collègues.

    Les résultats de leurs recherches montrent que 58 % des hommes et 61,5 % des femmes, moins les 6909 Européen-Américain(e)s étudiés, sont incapables de détecter l’odeur des métabolites qui apparaissent dans les urines après avoir consommé des asperges. L’analyse du génome des participants a permis d’identifier 871 polymorphismes d’un seul nucléotide sur le chromosome 1, mais portant sur plusieurs gènes liés aux récepteurs olfactifs OR2.

     Sans comprendre l’intérêt de cette « anosmie de l’asperge » en termes de choix d’un partenaire reproductif, nous étions renseignés sur l’immense polymorphisme des récepteurs olfactifs ; qui s’ajoutait aux variabilités et autres polymorphismes que nous avions découvert dans la formation des odeurs corporelles (Liens vers les Îles 07, 17, 27, 37, 97, auxquels il convient d’ajouter l’îlot.38 pour la variabilité des lipases bactériennes)

     Après nous avoir appris que l’éminent citoyen américain Benjamin Franklin faisait partie des 42% d’Homo sapiens qui considèrent que l’urine d’un consommateur de pointes d’asperges a une odeur désagréable, à son tour Lorelei Mucci prit congé.

 

     Il restait le « vase de parfum ».

D’avoir l’odorat suffisamment fin pour apprécier toutes les nuances d’une madeleine (dont le délicat parfum doit beaucoup à la fève Tonka) trempée dans une infusion de tilleul donnait-il la capacité de trouver agréable ces farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare ? Non seulement Marcel Proust n’avait pas une « anosmie de l’asperge » mais, contrairement à l’inventeur du paratonnerre, il semblait avoir apprécié cette féerie.  

Cette particularité de Marcel Proust ajoutait un nouvel exemple de polymorphisme, celui de ceux qui sentent mais qui apprécient. À moins que ce soit un effet de la dose (lien vers l’île.02), une seule petite pointe d’asperge rend-elle l’odeur de l’urine agréable et féerique ?

Déjà en allant pousser une courte exploration vers l’île des récepteurs olfactifs, nous nous étions éloignés du but de l’exploration : la production d’odeur, si possible les bonnes odeurs.

Nous allions repartir de la quatre vingt septième île que nous avions explorée quand, avec un air de ne pas le dire, les habitants ont excité notre curiosité en nous indiquant qu’il existait un peu plus loin une Île qui n’existait pas, l’île.89

    Difficile à un explorateur de résister à l’appel d’un tel mystère.

    

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